Les Rapines Du Duc De Guise
avait assisté à l’office avec ses parents, sortir de l’église avec une
expression ulcérée. En l’apercevant, elle lui jeta un regard de colère et le
commis comprit qu’elle regrettait de lui avoir proposé de rencontrer son mari.
La maison avait été nettoyée de toute trace de
sang par la servante et la cuisinière. Les chambres étaient propres, et le
logis était aussi silencieux qu’une tombe. Les domestiques se demandaient avec
angoisse quel allait être leur sort. Le Bègue ignorait s’il y avait des
héritiers. Il décida de se renseigner. S’il y en avait, peut-être les
garderaient-ils ?
Le vendredi, sans beaucoup d’espoir, il se
rendit chez Nicolas Poulain.
Le lieutenant du prévôt l’attendait, visiblement
mécontent à l’idée de recevoir le commis de son voisin. Il écouta poliment son
visiteur lui expliquer qu’Olivier était un gentil garçon, qu’il aimait son père
et qu’il n’avait pu commettre un tel acte. Nicolas Poulain soupira. Il avait
bien d’autres choses à faire qu’à écouter cet homme vouloir défendre un
assassin. Au fil des années, il avait fait pendre une dizaine de jeunes gens et
de jeunes femmes, qui eux aussi apparemment aimaient leurs parents, mais qui les
avaient malgré tout trucidés pour s’approprier leur héritage.
— Il faut laisser faire la justice, lâcha-t-il
en accompagnant son conseil d’un vague geste de la main.
— Mais le père Boucher ment, monsieur !
J’étais là quand Gilles, notre valet, a dit à Olivier que le père Boucher l’attendrait
à la Sorbonne, lundi. Pourtant, M. le commissaire Louchart n’a même pas
voulu m’entendre !
— Jean Boucher, le recteur de la Sorbonne ?
s’enquit Poulain, en considérant Le Bègue avec un intérêt nouveau.
— Oui, monsieur. C’était un ami de mon
maître, il connaît Olivier depuis sa naissance, et durant son sermon à la messe,
il l’a accusé d’être un criminel ! Je ne comprends pas son attitude.
— Louchart, c’est le commissaire au
Châtelet ?
— Oui, monsieur. Il est arrivé à peine le
crime commis alors que ni moi ni la cuisinière ne l’avions prévenu ! Comment
savait-il ce qui s’était passé ? Sur place, il n’a questionné personne, persuadé
qu’Olivier était coupable.
Le recteur de la Sorbonne et Louchart étaient
tous deux présents à la dernière réunion de la sainte union, songea Poulain.
— Vous pensez réellement que M. Louchart
et le père Boucher se sont comportés étrangement ?
— Oui, monsieur, déclara Le Bègue en
déglutissant, sachant qu’il proférait une accusation pouvant le conduire au
pilori.
— Que faisait exactement M. Hauteville ?
demanda Poulain dont l’intérêt avait été éveillé à la mention des noms de
Boucher et Louchart.
— Il était contrôleur des tailles, monsieur.
Je l’aidais en ce moment à un important travail de vérification dont l’avait
chargé un maître des comptes pour M. de Bellièvre, le surintendant, qui
pense qu’il y a des détournements frauduleux des impôts dans l’élection de
Paris.
Poulain était policier depuis dix ans et n’ignorait
rien de la complexité de la comptabilité de l’Épargne. Les fraudes y étaient
nombreuses, la corruption endémique. Pouvait-il y avoir un rapport entre ce
crime étrange et la sainte union ?
— Je veux bien parler au commissaire
Louchart afin de mieux connaître les charges contre le fils de votre maître, décida-t-il.
Mais je ne peux rien vous promettre.
Le Bègue se retira et Poulain resta à méditer,
songeant qu’il ne savait pas grand-chose sur le financement de la ligue
parisienne. La Chapelle avait de l’argent pour acheter des armes. D’où le
tenait-il ? Du duc de Guise ? C’était peu vraisemblable, car on
disait le duc ruiné…
Le soir même, il se
rendit directement à la Sorbonne. Un homme enroulé dans un grand manteau noir
attendait les membres de la sainte union. Après avoir vérifié qui ils étaient, il
les faisait conduire par un moine dans une salle capitulaire. Nicolas Poulain s’était
présenté parmi les premiers pour examiner les arrivants. Il salua ceux avec qui
il avait été en relation, mais de nombreux visages lui étaient inconnus. En outre,
plusieurs étaient recouverts d’un masque de soie.
Il échangea aussi quelques mots avec
Mayneville et Bussy Le Clerc, puis la séance commença. Ce fut à lui qu’on
laissa la parole pour qu’il s’exprime sur les
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