Les Rapines Du Duc De Guise
inviolable ce qu’il apprenait
des projets des Lorrains, sous peine d’être à jamais parjure et infâme, indigne
de noblesse et honneur, marmonna le roi d’un ton monocorde qui fit sourire l’assistance.
» Seulement Guise semblait ignorer qu’en
tant que représentant de Notre Seigneur, je peux relever mes sujets de n’importe
quel serment infâme, et c’est ce que j’ai fait, précisa-t-il plus sèchement.
— Mais pourquoi arrêter maintenant, Sire ?
demanda O. Je peux encore apprendre beaucoup de choses quand justement Guise se
prépare à l’offensive…
— Parce que la situation devient
intenable pour moi, François, et je ne vois que toi pour trouver une issue, répondit
Henri III en écartant les mains.
Il se tut un instant avant de déclarer :
— J’ai de moins en moins de pécunes, François.
— Vous n’en avez jamais eu beaucoup, Sire,
répliqua O en souriant.
— C’est vrai, mon grand économique, mais
jamais à ce point. Je viens de proposer tout ce qui me reste, deux cent mille
écus, à mon beau-frère Navarre pour le remercier de ne pas avoir cédé aux
sirènes du roi d’Espagne et pour qu’il se retourne contre Guise. Après, je n’aurai
plus rien, et il m’est impossible d’augmenter encore les impôts. Le peuple ne l’accepterait
pas. Ma mère et moi empruntons tellement depuis dix ans que plus personne ne
veut nous prêter et tous les bijoux de la couronne ont déjà été gagés. Or Guise,
qu’on dit pourtant ruiné – il aurait plus de sept cent mille écus de dette –, a
de plus en plus de pécunes, alors qu’il ne reçoit en revenu que cent mille écus [40] ! Ainsi, il vient de lever de nouvelles troupes à qui il a donné
trois cent mille écus. Où trouve-t-il tant d’argent pour acheter des armes et
des hommes ?
» J’ai demandé à Richelieu de se
renseigner, mais il n’a pu pénétrer les desseins des Lorrains. Bellièvre est
tout aussi impuissant, alors j’ai songé à toi, mon grand économique. Tu es
introduit auprès de Guise, et qui mieux que toi comprend les circuits
financiers du royaume ? Je peux te faire confiance, et tu es le seul à
avoir suffisamment de cervelle. Trouve pourquoi je suis si pauvre et Guise si
riche. Ce sera ta dernière mission. Au demeurant, tu viens de le dire, Guise
veut le château de Caen, et il est hors de question qu’il l’obtienne.
Le marquis d’O hocha du chef avant de déclarer :
— J’ai rencontré Guise deux fois l’année
dernière, mais il ne m’a jamais parlé d’argent. En revanche, je sais, toujours
par Mayneville qui est mon parent, que dans ce traité signé à Joinville, le roi
d’Espagne se serait engagé à lui verser six cent mille écus s’il lui donnait
Cambrai.
— Mais Cambrai est toujours à nous, protesta
Villequier. Et puis, Philippe II promet beaucoup, mais ne respecte jamais
ses promesses.
O soupira. Son beau-père avait raison. Mais
que pouvait-il faire ? Henri comprit son désarroi.
— Je ne me fais pas d’illusion, mon ami. Et
je te préférerais à Caen qu’ici, n’ayant guère confiance dans les échevins de
cette ville. Mais avant le printemps, il ne se passera rien. Reste à Paris
jusqu’en mars et renseigne-toi. Si on pouvait couper les sources de financement
de Guise, il ne pourrait reprendre les hostilités. Et si je savais pourquoi je
suis si pauvre, je saurais y porter remède.
— Je vais essayer, Sire, promit François
d’O… Il me revient que j’ai joué à la balle avec le duc contre M. Nasi, l’année
dernière. C’est un financier que connaît Diaceto. Il y avait là M. Isoard
Cappel et, après notre rencontre, ils se sont tous trois réunis pour un
conclave discret. M. Cappel passe pour être un financier très proche de l’Espagne.
— Il est italien, n’est-ce pas ? questionna
le roi.
— Niçois, Sire, intervint Bellièvre. À la
fois proche de Rome et de Madrid. C’est l’homme de confiance de l’ambassade d’Espagne.
Comme banquier, il gère de grosses sommes pour eux.
— Ce pourrait être lui le financier de
Guise ? demanda Richelieu. Je peux le faire arrêter…
— Non ! Il faudrait que j’interroge
Cappel moi-même, et avec mes méthodes. Mais ce ne sera pas facile… Il me
faudrait entrer chez lui. Je doute qu’il me reçoive et qu’il réponde à mes
questions.
— Pour ça, je peux vous aider, proposa le
Grand prévôt après une seconde de réflexion. M. Cappel participe à
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