Les Rapines Du Duc De Guise
sang pour se couvrir
de gloire.
— Vous avez raison, monseigneur, fit-il, benoîtement.
Je vais donc m’occuper personnellement de cette affaire, je vous le promets.
— Il ne faudrait pas attendre, monseigneur,
déclara respectueusement Mayneville. Il serait fin d’agir avant le retour de
Nicolas Poulain qui vient de partir pour Arras et qui sera certainement à Paris
dans un mois.
— Je ne peux m’occuper de Hauteville tout
de suite, François ! répliqua Mayenne en dissimulant à peine son agacement.
Je pars demain pour Joinville retrouver mes frères. Je ne serai pas de retour à
Paris avant deux ou trois semaines, et c’est seulement à ce moment que je
pourrai rencontrer l’homme auquel je pense pour nous débarrasser de notre
gêneur. Si Poulain était de retour trop tôt, ce serait tant pis pour lui !
Au demeurant, il aurait acheté nos armes et nous n’aurions plus besoin de ses
services !
— Je viens de vous dire que je m’oppose à
l’assassinat de cet homme ! intervint Bourbon, cette fois avec courroux. Il
est officier du roi, prévôt ! En tant que futur roi de France, je ne peux
cautionner cette ignominie ! Si vous agissiez contre ma volonté, je n’hésiterais
pas à quitter votre parti !
Le silence tomba brusquement entre les
participants.
Mayenne mâchonna un instant une remarque
cinglante, mais il comprit qu’il ne pouvait passer outre. Son frère le tuerait
s’il le fâchait avec ce sottart !
— Je vous promets qu’on ne touchera pas à
lui, déclara-t-il avec un sourire de circonstance. Êtes-vous satisfait, monseigneur ?
Je préviendrai l’homme à qui je pense de faire attention à M. Poulain.
— Vous ferez bien ! gronda le
cardinal, pourtant si complaisant d’habitude.
— Vous êtes certain que je ne peux pas m’en
occuper moi-même, monseigneur ? demanda Mayneville, fâché par la tournure
des événements.
— Certain ! Le sujet est clos. Avons-nous
d’autres informations à connaître ?
— Il y en a une, fit le cardinal de
Bourbon. J’ai appris que François d’O était à Paris où il a rencontré son
beau-père M. de Villequier.
— François d’O ? répéta Mayenne. Peut-être
devrais-je aller le voir avant de partir pour Joinville ? Je le
préviendrai ainsi de ce qu’on prépare et de l’arrivée d’Elbeuf… mais comment le
rencontrer sans que cela se sache… Il loge chez Villequier ?
— Non, il occupe sa maison de la rue de
la Plâtrière.
— Je la connais… J’irai demain à la
première heure, vêtu en marchand et avec un seul garde. Personne n’en saura
rien.
13.
Vendredi 15 février 1585
Sous un ciel gris et
bas, la petite troupe remontait le chemin du faubourg Saint-Marcel. Les
cavaliers venaient de laisser à leur gauche une dizaine de moulins dont les
ailes tournaient doucement dans la brise, quand, derrière une haie d’arbres
dénudés, ils découvrirent les murailles de Paris ponctuées de massives tours
rondes. Depuis quelque temps déjà, ils apercevaient la flèche de
Sainte-Geneviève.
Les paysans et les maraîchers qu’ils
croisaient s’écartaient prudemment devant ces farouches hommes d’armes. L’un d’eux,
à l’épaisse barbe, avait ôté son bassinet et, les cheveux au vent, il désigna à
son compagnon, un grand gaillard imberbe à la longue chevelure attachée en
arrière, les bâtiments épars autour d’eux.
— Voici l’église Saint-Marcel, mademoiselle.
Un peu plus loin, c’est l’église Saint-Médard dont vous voyez le clocher. Si
nous suivions ce chemin jusqu’à Paris, il nous conduirait à la porte Bordelles,
qu’on appelle aussi la porte Saint-Marcel. Elle débouche directement devant l’église
Sainte-Geneviève. Quant à cette sorte de château carré avec une tour, c’est la
maison de M. Sardini. C’est là où nous nous rendons.
Ils passèrent l’église Saint-Marcel et
tournèrent à droite, empruntant un autre chemin bordé de moulins.
— Nous sommes sur le chemin du
Fer-à-Moulins, expliqua l’autre homme barbu qui venait de passer en tête de la
troupe.
Nos cavaliers étaient Caudebec, Cassandre et
les deux Suisses, Hans et Rudolf. À mesure qu’ils se rapprochaient du château
de Sardini, Cassandre le découvrait. C’était une grande bâtisse rectangulaire, presque
carrée, entourée d’un fossé, avec un haut mur d’enceinte percé de fenêtres
protégées par de lourdes grilles. Dans un angle se dressait une tour
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