Les refuges de pierre
toute la terrasse d’En-Aval, mais surtout
les deux abris et la zone environnante, était jonchée d’éclats d’ivoire, d’os,
de bois de cerf et de pierre provenant de la taille de silex, de la fabrication
d’outils, d’armes de chasse et d’instruments divers.
— Je pars devant, annonça Joharran à son frère. Nous sommes
presque arrivés et je sais que tu comptes rester un moment ici pour expliquer à
Ayla ce qu’est En-Aval.
Le reste de la Neuvième Caverne accompagna son chef. La nuit
tombait, il ferait bientôt noir.
— Le premier de ces abris accueille surtout ceux qui
travaillent le silex, reprit Jondalar. La taille laisse beaucoup d’éclats
pointus qu’il vaut mieux rassembler au même endroit.
Il regarda autour de lui, constata que les débris de la
fabrication de couteaux, de pointes de lance, de burins, et d’autres armes et
outils taillés dans la roche siliceuse dure étaient partout.
— Du moins, c’était l’idée au départ, marmonna-t-il avec un
sourire.
Il expliqua à Ayla que la plupart des outils de pierre étaient
ensuite portés au second abri afin qu’on y fixe des manches en bois ou en os,
et qu’ils seraient ensuite utilisés pour fabriquer d’autres objets avec les
mêmes matériaux durs, mais qu’il n’y avait pas de règle absolue. Les deux abris
travaillaient souvent ensemble.
Par exemple, le tailleur qui avait transformé un morceau de
silex en lame de couteau collaborait souvent avec celui qui fabriquait le
manche, ôtant un autre éclat à la soie pour qu’elle s’adapte mieux ou proposant
d’amincir le manche pour obtenir un meilleur équilibre. L’homme qui fabriquait
une pointe de lance en os demandait au tailleur de silex d’affûter un outil ou
suggérait de le modifier pour le rendre d’un emploi plus facile. Le sculpteur
qui décorait le manche ou la hampe avait besoin d’une pointe spéciale et seul
un tailleur expérimenté pouvait détacher un éclat de l’extrémité d’un outil en
silex pour lui donner l’angle voulu.
Jondalar salua quelques artisans qui travaillaient encore autour
du second abri, à l’extrémité nord de la terrasse, et leur présenta Ayla. Ils
jetèrent un coup d’œil méfiant au loup mais reprirent leur travail après le
passage du couple et de l’animal.
— Il commence à faire sombre, observa Ayla. Où vont-ils
dormir ?
— Ils pourraient aller à la Neuvième Caverne, mais ils
allumeront sans doute un feu et veilleront tard, puis ils passeront la nuit
dans l’une des cabanes situées dans les premiers abris que nous avons vus. Ils
essaient de finir avant demain. Il y avait beaucoup plus d’artisans ici, plus
tôt dans la journée. Les autres sont rentrés chez eux ou sont chez des amis, à
la Neuvième Caverne.
— Tout le monde vient travailler ici ?
— Chaque Caverne a une aire de travail comme celle-ci, près
de son espace à vivre, généralement plus petite, mais quand quelqu’un a des
questions à poser ou une idée à expérimenter, il vient ici.
C’était là aussi que venaient les jeunes qui s’intéressaient à
une activité particulière et souhaitaient mieux la connaître, poursuivit
Jondalar. En-Aval était un bon endroit pour discuter de sujets comme la qualité
du silex de diverses régions ou la meilleure utilisation de chaque variété. Ou
encore pour échanger des idées sur toutes sortes de techniques : comment
abattre un arbre avec une hache de silex, comment prélever des morceaux d’ivoire
adéquats sur une défense de mammouth, couper un andouiller, pratiquer un trou
dans un coquillage ou une dent, façonner et percer des perles, dégrossir une
pointe de lance en os. C’était l’endroit où l’on évoquait l’approvisionnement
en matières premières, où l’on planifiait les voyages et les missions de troc
destinées à se les procurer.
Enfin, et ce n’était pas son moindre intérêt, on échangeait des
potins : qui s’intéressait à qui, qui connaissait des problèmes avec une
compagne ou la mère de cette compagne, qui avait une fille, un fils ou un
enfant de son foyer qui venait de faire ses premiers pas, qui avait prononcé un
nouveau mot, fabriqué un outil, trouvé un bon coin à mûres, tué son premier
animal. Ayla comprit qu’En-Aval était l’endroit idéal pour le travail sérieux
et la camaraderie.
— Nous ferions mieux de partir avant la nuit, afin de
trouver notre chemin, dit Jondalar. D’autant que nous n’avons pas de
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