Les refuges de pierre
discerner les traits du visage penché vers lui.
— Relona... fit-il dans un murmure à peine perceptible.
Il ébaucha un sourire, aussitôt effacé par une expression de
souffrance. Voyant les yeux de sa compagne s’emplir de larmes, il réussit à
articuler : « Ne pleure pas », puis il referma les yeux.
Relona tourna un regard implorant vers Ayla, qui secoua la tête.
Prise de panique, Relona regarda autour d’elle, cherchant désespérément quelqu’un
qui lui donnerait une autre réponse, mais personne ne soutenait son regard.
Elle baissa les yeux vers son compagnon, vit du sang au coin de ses lèvres.
— Shevonar ! s’écria-t-elle en lui saisissant la main.
— Relona... voulu te voir encore une fois, hoqueta-t-il,
rouvrant les yeux. Te dire adieu avant de passer... dans le Monde des Esprits.
Si Doni le veut... je te reverrai là-bas.
Il ferma les yeux et on entendit un faible grincement quand il
tenta d’inspirer. Une plainte sourde s’éleva et, malgré ses efforts pour la
retenir, elle s’accentua. Il s’arrêta, lutta pour prendre une inspiration. Ayla
crut entendre un craquement étouffé à l’intérieur du corps de Shevonar et il
poussa soudain un cri d’agonie. Lorsque le craquement cessa, il ne respirait
plus.
— Non, non. Shevonar, Shevonar ! cria Relona.
Secouée de sanglots, elle posa la tête sur la poitrine de son
compagnon. Ranokol se tenait à côté d’elle, les joues ruisselantes de larmes, l’air
hébété, perdu.
Soudain, un hurlement sinistre et proche les fit tous sursauter.
Les regards se tournèrent vers Loup. La tête renversée en arrière, il poussait
un cri de loup à leur glacer le sang.
— Qu’est-ce qu’il fait ? balbutia Ranokol.
— Il pleure ton frère, répondit la voix familière de
Zelandoni. Comme nous.
Tous furent soulagés de la voir. Elle était arrivée en même
temps que Relona et quelques autres mais était restée en arrière quand la
compagne de Shevonar s’était précipitée vers l’abri. Les sanglots de Relona se
changèrent en une plainte, une mélopée funèbre. Zelandoni joignit ses
lamentations à celles de Relona, d’autres l’imitèrent, et Loup se remit à
hurler. Ranokol se jeta en travers de l’homme étendu sur les fourrures. L’instant
d’après, il s’agrippa à Relona et tous deux, oscillant ensemble, laissèrent
éclater leur chagrin dans leurs cris.
Ayla savait que c’était bon pour eux. Pour atténuer sa
souffrance et sa colère, Ranokol devait laisser sa peine s’exprimer, et Relona
l’avait aidé. Quand Loup hurla de nouveau, Ayla se joignit à lui avec un cri si
bien imité que beaucoup crurent d’abord que c’était un autre loup.
Au bout d’un moment, la doniate prit Relona par le bras et la
conduisit à une fourrure qu’on avait étendue près du feu. Joharran aida le
frère du mort à s’asseoir de l’autre côté du foyer. Relona se balançait d’avant
en arrière en gémissant, indifférente à tout ce qui l’entourait ; Ranokol
regardait fixement les flammes.
Le Zelandoni de la Troisième Caverne s’entretint à mi-voix avec
la Zelandoni de la Neuvième et revint peu après, une coupe fumante dans chaque
main. La doniate de la Caverne de Jondalar en prit une, la tendit à Relona, qui
la but machinalement, comme si elle ne savait pas ce qu’elle faisait ou ne s’en
souciait pas. Le Zelandoni de la Troisième présenta l’autre coupe à Ranokol,
qui la refusa puis, sur son insistance, finit par l’avaler. Le frère et la
compagne du défunt ne tardèrent pas à s’endormir sur les fourrures, près du
feu.
— Je suis content de les voir apaisés, dit Joharran.
— Ils avaient besoin de pleurer, souligna Ayla.
— Maintenant, ils ont besoin de repos, fit Zelandoni. Et
toi aussi.
— Mange d’abord quelque chose, recommanda Proleva, venue
elle aussi avec Relona. Nous avons fait rôtir de la viande de bison, et la
Troisième Caverne a apporté de la nourriture.
— Je n’ai pas faim, répondit Ayla.
— Tu dois être épuisée, dit Joharran. Tu n’as quasiment pas
quitté Shevonar.
— J’aurais voulu pouvoir faire plus. Je n’ai rien trouvé
pour l’aider, soupira-t-elle en secouant la tête d’un air abattu.
— Mais si, tu l’as aidé, assura le vieil homme qui était le
Zelandoni de la Troisième Caverne. Tu as calmé sa douleur. Nul n’aurait pu
faire davantage, et il ne se serait pas accroché à la vie sans ton aide. Moi,
je n’aurais
Weitere Kostenlose Bücher