Les refuges de pierre
Le redresseur de sagaie était en bois de cerf,
fabriqué avec la base des andouillers. Après les avoir coupés, on avait percé
un trou de bonne dimension dans le socle les rattachant à la tête. Ayla
remarqua qu’il ressemblait à celui que Jondalar avait rapporté et qui avait
appartenu à son frère, Thonolan.
Des représentations d’animaux stylisés, notamment un mouton des
montagnes aux grandes cornes, et divers symboles étaient gravés dans le bois de
l’instrument. Ils lui donnaient de la puissance, afin que les lances redressées
volent droit et soient attirées par la bête visée. Ils ajoutaient aussi une
touche esthétique appréciable.
Pendant qu’on préparait la dépouille de Shevonar sous la
gouverne de Zelandoni, Joharran dirigeait un autre groupe, chargé de construire
un abri temporaire, simple toit en chaume soutenu par des poteaux. Quand le
corps fut prêt, on plaça l’abri au-dessus et on l’entoura de panneaux, puis les
Zelandonia y pénétrèrent pour célébrer le rite qui garderait près du corps et à
l’intérieur de l’abri l’esprit à la dérive.
Lorsqu’ils eurent terminé, tous ceux qui avaient touché le
corps, ou simplement travaillé près de l’homme que sa force de vie avait
quitté, durent procéder aux ablutions rituelles. Une eau courante était
recommandée pour ce genre de purification, et ils prirent tous le chemin de la
Rivière pour s’y immerger complètement. Les Zelandonia invoquèrent la Grande
Mère, les femmes partirent vers l’amont, les hommes vers l’aval. Toutes les
femmes se dévêtirent mais plusieurs hommes plongèrent dans l’eau sans se
déshabiller.
Jondalar, qui avait participé à la construction de l’abri
funéraire, alla lui aussi se purifier à la Rivière puis regagna la Caverne avec
Ayla. Proleva leur avait préparé un repas. Marthona s’attabla avec le jeune
couple, et Zelandoni les rejoignit après avoir confié la veuve affligée à sa
famille. Willamar s’assit également avec eux. Se trouvant en compagnie de gens
avec qui elle se sentait à l’aise, Ayla en profita pour poser des questions sur
la tunique dont on avait revêtu le corps de Shevonar.
— Est-ce qu’on met ce genre d’habit à tous ceux qui
meurent ? La tunique de Shevonar a dû demander beaucoup de travail.
— La plupart des gens tiennent à porter leurs plus beaux
vêtements dans les grandes occasions ou lorsqu’ils rencontrent quelqu’un pour
la première fois, expliqua Marthona. C’est à cela que sert leur tenue de
cérémonie. Ils veulent être reconnus et faire bonne impression. Comme ils ne
savent pas à quoi ils doivent s’attendre dans le Monde d’Après, ils essaient de
paraître à leur avantage.
— J’ignorais que les vêtements passaient eux aussi dans le
Monde d’Après, dit Ayla. C’est l’esprit qui y va. Le corps reste ici,
non ?
— Le corps retourne dans les entrailles de la Grande Terre
Mère, répondit Zelandoni. L’esprit, la force de vie, retourne à l’Esprit de la
Mère dans le Monde d’Après, mais tout a une forme d’Esprit dans notre
monde : les rochers, les arbres, la nourriture que nous mangeons, et même
les vêtements que nous portons. La force de vie ne veut pas partir nue ou les
mains vides. C’est pourquoi nous avons revêtu Shevonar de sa tenue de cérémonie
et placé autour de lui ses outils et ses lances, pour qu’il les emporte. Nous
lui donnerons aussi de la nourriture.
Ayla acquiesça, piqua un gros morceau de viande, saisit l’une
des extrémités entre ses dents et, tenant l’autre, détacha avec son couteau ce
qu’elle avait dans la bouche puis reposa le reste sur l’omoplate qui lui
servait d’assiette. Elle mastiqua un moment d’un air songeur avant d’avaler.
— Les vêtements de Shevonar sont magnifiques. Toutes ces
petites pièces cousues ensemble pour former un motif... fit-elle, admirative.
Ces animaux, ces dessins : on dirait presque qu’ils racontent une
histoire.
— D’une certaine façon, oui, dit Willamar. Tout dans cette
tenue signifie quelque chose. Il faut qu’elle ait l’elandon du mort, celui de
sa compagne, et l’abelan zelandonii, naturellement.
— Je ne comprends pas ces mots. Qu’est-ce qu’un
elandon ? Qu’est-ce qu’un abelan Zelandonii ?
Les autres parurent étonnés : ces mots étaient d’un usage
fréquent, et Ayla parlait si bien leur langue qu’il était difficile de croire
qu’elle ne les connaissait pas.
— Ils
Weitere Kostenlose Bücher