Les refuges de pierre
Ayla s’arrêta, se retourna pour voir le chemin parcouru. La terrasse de
pierre dominait la Vallée du Ruisseau de la Fontaine et une partie de la Vallée
des Prairies, avec sa rivière. La vue était impressionnante mais, quand Ayla
entra dans la grotte, ce qu’elle découvrit l’était plus encore.
Pénétrer dans la caverne, en particulier dans la journée,
entraînait un changement de perspective radical, d’un vaste panorama à une
galerie exiguë, d’un soleil éclatant reflété par la pierre à une obscurité
inquiétante. Le changement allait au-delà du physique, de l’externe. Pour ceux
qui comprenaient et acceptaient le pouvoir inhérent du lieu, c’était une
métamorphose du familier au redoutable, mais aussi du banal au merveilleux.
La lumière extérieure n’éclairait que sur quelques pas après l’entrée,
mais, une fois les yeux accoutumés à la pénombre, les parois de la galerie
guidaient vers l’intérieur obscur. Dans une sorte de vestibule peu après l’entrée,
une lampe de pierre brûlait sur une saillie de la roche, et plusieurs autres,
non allumées, semblaient attendre dans une niche naturelle, juste en dessous.
Chacun des acolytes prit une lampe puis un mince bâton sec qu’il approcha de la
flamme. Ils allumèrent les mèches de mousse posées sur le bord de la cuvette
des lampes, du côté opposé à la poignée, trempant dans une graisse encore en
partie figée. La femme leur fit signe.
— Attention où vous posez le pied, les prévint-elle,
baissant sa lampe pour montrer le sol inégal et les plaques d’argile humide qui
luisaient entre les rochers. C’est parfois glissant.
A mesure qu’ils progressaient dans la galerie, avançant avec
précaution, la lumière de l’entrée diminuait. Au bout d’une centaine de pas, l’obscurité
ne fut plus contenue que par la faible lueur des lampes. Un courant d’air
descendu des stalactites de la voûte les fit frissonner de peur quand les
flammes minuscules vacillèrent. Ils savaient que dans les profondeurs de la
grotte, si le feu s’éteignait, des ténèbres plus épaisses que la nuit la plus
sombre obscurciraient toute vision. Seuls les mains et les pieds sur la roche
froide montreraient le chemin, et ne conduiraient peut-être qu’à un cul-de-sac
au lieu de la sortie.
A droite, un noir plus profond, et ne reflétant plus les petites
flammes, indiquait que la distance s’était accrue de ce côté : peut-être
une niche ou une autre galerie. Derrière et devant eux, les ténèbres étaient
palpables dans l’obscurité d’une épaisseur presque étouffante. Le filet d’air
constituait l’unique preuve de l’existence d’un couloir ramenant à l’extérieur.
Ayla aurait voulu pouvoir toucher la main de son compagnon.
Jondalar remarqua en avançant que les lampes portées par les
acolytes n’étaient pas la seule source de lumière. Plusieurs lampes de pierre,
en forme de bol, étaient placées sur le sol le long de la galerie et
projetaient une lumière qui semblait étonnamment vive dans l’obscurité de la
grotte. Deux d’entre elles crépitaient, sans doute parce qu’elles avaient besoin
qu’on les remplisse de graisse ou qu’on change leur mèche ; il espérait
que quelqu’un s’en chargerait sans tarder.
Les lampes suscitaient chez Ayla le sentiment étrange qu’elle
était déjà venue dans ce lieu, et la peur irraisonnée qu’elle y reviendrait un
jour. Elle n’avait aucune envie de suivre la femme qui la précédait. Jusqu’à ce
jour, elle ne se considérait pas comme quelqu’un qui redoutait les grottes,
mais il y avait dans celle-là quelque chose qui lui donnait envie de faire
demi-tour et de s’enfuir, ou de toucher Jondalar pour se rassurer. Elle se
rappela qu’elle avait parcouru le couloir sombre d’une autre caverne en se
guidant aux flammes de lampes et de torches, derrière Creb et les autres
Mog-ur. Elle frissonna à ce souvenir et s’aperçut qu’elle avait froid.
— Vous voulez vous arrêter pour mettre vos vêtements
chauds ? proposa la femme, qui se retourna et tint la lampe plus haut pour
éclairer Ayla et Jondalar. Il fait froid au fond d’une grotte, surtout en été.
L’hiver, quand il neige dehors, on s’y sentirait plutôt au chaud. Les grottes
profondes restent à la même température toute l’année.
La halte pour enfiler sa tunique à manches longues aida Ayla à
se ressaisir et, quand l’acolyte repartit, elle prit une longue inspiration
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