Les refuges de pierre
la version des Losadunaï, surtout si tu
peux me la traduire, Ayla.
— Avec plaisir. Leur langue est très proche du zelandonii.
Tu pourras peut-être même comprendre sans traduction.
Les trois acolytes remarquèrent soudain l’accent d’Ayla. Ils
avaient toujours considéré que les Zelandonii – et leur langue – étaient
exceptionnels. Ils étaient le Peuple, ils étaient les Enfants de la Terre. Il
leur était difficile de concevoir que cette femme pût déclarer qu’un peuple
vivant loin à l’est, sur les hauteurs, de l’autre côté du glacier, parlait une
langue similaire à la leur. Pour porter un tel jugement, elle devait avoir
entendu des langues très différentes du zelandonii.
Tous étaient frappés par l’expérience de cette étrangère, si
différente de la leur, par ce qu’elle savait d’autres peuples et qu’ils
ignoraient. Jondalar avait beaucoup appris, lui aussi, pendant son Voyage.
Durant les quelques jours qui avaient suivi son retour, il leur avait montré
beaucoup de choses. C’était peut-être à cela que servaient les voyages, à
apprendre de nouvelles choses.
Presque tous les jeunes gens parlaient de partir, mais rares
étaient ceux qui s’en allaient Jondalar, lui, était resté au loin pendant cinq
ans, il avait vécu de nombreuses aventures, et surtout, il avait rapporté un
savoir dont son peuple pourrait profiter. Il avait aussi rapporté des idées qui
pouvaient changer les choses, et le changement n’était pas toujours
souhaitable.
— Je ne sais pas si je dois te montrer les peintures en
passant, dit la femme. Cela pourrait te gâcher la cérémonie. De toute façon, tu
les verras un peu, alors autant les éclairer et te laisser les regarder.
L’acolyte tint sa lampe plus haut pour que la compagne de
Jondalar pût admirer les peintures. La première représentait un mammouth, peint
de profil comme la plupart des animaux qu’elle avait vus. La bosse de sa tête,
suivie d’une seconde bosse au garrot, le rendait aisément reconnaissable. Cette
configuration était le signe distinctif du grand animal laineux, plus encore
que ses défenses recourbées et sa longue trompe. Il était dessiné en rouge,
coloré en brun rougeâtre et en noir, ce qui faisait ressortir les contours et
certains détails anatomiques. La tête tournée vers l’entrée, il était si
parfait qu’Ayla s’attendait qu’il sorte de la caverne.
Elle ne comprenait pas pourquoi ces animaux semblaient si réels,
elle ne saisissait pas ce que leur représentation avait exigé, et elle ne put
résister à l’envie de regarder de plus près. La technique était élégante,
accomplie. Un dessin de l’animal avait été gravé dans la paroi calcaire de la
grotte, avec un outil en silex, et souligné par un trait noir. A l’extérieur de
la ligne gravée, la paroi avait été grattée pour révéler la couleur ivoire de
la roche. Cela mettait en relief les contours et les couleurs avec lesquelles
le mammouth avait été peint, ainsi que le caractère en trois dimensions de l’œuvre.
C’était cependant la peinture à l’intérieur des contours qui
était le plus remarquable. Les artistes qui avaient décoré les parois de la
grotte avaient acquis, grâce aux leçons de ceux qui avaient conçu cette
technique, une connaissance étonnante de la perspective. Si certains peintres
étaient plus talentueux que d’autres, la plupart utilisaient la technique du
nuancement pour montrer les détails.
Quand Ayla s’éloigna du mammouth, elle eut l’impression étrange
que l’animal bougeait aussi. Sur une impulsion, elle tendit le bras vers lui,
toucha la pierre et ferma les yeux. Elle était froide, légèrement humide, avec
le grain et la texture de toutes les parois calcaires, mais, lorsqu’elle
rouvrit les yeux, Ayla nota que l’artiste avait utilisé les particularités
mêmes de la roche pour cette création d’un réalisme saisissant. Le mammouth
avait été placé de manière qu’un arrondi de la pierre devienne le renflement du
ventre, et une concrétion évoquant une jambe avait été peinte pour figurer l’arrière
d’une patte.
A la lueur tremblante de la lampe à graisse, elle s’aperçut qu’elle
voyait l’animal sous un angle différent quand elle bougeait. La lumière
modifiait la façon dont le relief naturel de la roche apparaissait et projetait
des ombres déformées. Même lorsque Ayla restait immobile, elle avait l’impression,
en regardant les reflets
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