Les refuges de pierre
mélodie. Certains chants étaient si familiers qu’il
suffisait souvent d’entendre la musique pour se rappeler l’histoire.
Celle Qui Était la Première avait composé elle-même une musique
pour le Chant de la Mère , et beaucoup commençaient à l’apprendre. Elle
entama d’une voix pure et forte :
Des ténèbres, du Chaos du temps,
Le tourbillon enfanta la Mère suprême.
Elle s’éveilla à Elle-Même, sachant la valeur de la vie,
Et le néant sombre affligea la Grande Terre Mère.
La Mère était seule. La Mère était
la seule.
Ayla sentit un frisson la parcourir quand elle reconnut le
chant ; elle se joignit aux autres lorsqu’ils récitèrent ou chantèrent en
chœur le dernier vers avec Zelandoni, en une sorte de répons [3] ou de refrain.
De la poussière de Sa naissance, Elle créa l’Autre,
Un pâle ami brillant, un compagnon, un frère.
Ils grandirent ensemble, apprirent à aimer et chérir.
Et quand Elle fut prête, ils décidèrent de s’unir.
Il tournait autour d’Elle
constamment, son pâle amant.
Ayla se rappelait aussi le répons du deuxième verset et le
récita avec les autres, puis elle écouta les suivants en tâchant de les mémoriser,
parce qu’elle aimait cette histoire, parce qu’elle aimait la façon dont
Zelandoni la chantait. Elle en avait appris la version losadunaï pendant le
Voyage, quand Jondalar et elle avaient passé quelque temps chez ce peuple avant
de traverser le petit glacier, mais la langue, les expressions, et même
certains aspects de l’histoire étaient différents. Voulant l’apprendre en zelandonii,
elle écoutait avec attention.
Le vide obscur et la vaste Terre nue
Attendaient la naissance.
La vie but de Son sang, respira par Ses os.
Elle fendit Sa peau et scinda Ses roches.
La Mère donnait. Un autre vivait.
Jondalar lui avait maintes fois récité ces mots pendant leur
Voyage, mais Ayla n’avait jamais rien entendu de comparable à la puissance
dramatique qu’y apportait la Première parmi Ceux Qui Servaient la Mère. Les
mots n’étaient pas exactement les mêmes non plus.
Les eaux, bouillonnantes de l’enfantement emplirent rivières
et mers,
Inondèrent le sol, donnèrent naissance aux arbres.
De chaque précieuse goutte naquirent herbes et feuilles,
Jusqu’à ce qu’un vert luxuriant renouvelle la Terre.
Ses eaux coulaient, les plantes
croissaient.
Dans la douleur du travail, crachant du feu,
Elle donna naissance à une nouvelle vie.
Son sang séché devint la terre d’ocre rouge.
Mais l’enfant radieux justifiait toute cette souffrance.
Un bonheur si grand, un garçon
resplendissant.
Les roches se soulevèrent, crachant des flammes de leurs
crêtes.
La Mère nourrit Son fils de Ses seins montagneux.
Il tétait si fort, les étincelles volaient si haut
Que le lait chaud traça un chemin dans le ciel.
La Mère allaitait, Son fils
grandissait.
C’était l’une des parties qu’Ayla aimait tout particulièrement
car elle lui rappelait sa propre expérience, notamment les mots « bonheur »
et « garçon resplendissant ».
Il s’enfuit de Son flanc pendant que la Mère dormait
Et que le Chaos sortait en rampant du vide tourbillonnant.
Par ses tentations aguichantes l’obscurité le séduisit.
Trompé par le tourbillon, l’enfant tomba captif.
Le noir l’enveloppa, le jeune fils
plein d’éclat.
Tout comme Broud lui avait pris son fils. Zelandoni racontait si
bien l’histoire qu’Ayla se sentait inquiète à la fois pour la Mère et pour son
fils. Penchée en avant, elle s’efforçait de ne pas manquer un mot.
Son lumineux ami était prêt à combattre
Le voleur qui gardait captif l’enfant de Ses entrailles.
Ensemble ils luttèrent pour le fils qu’Elle adorait.
Leurs efforts aboutirent, sa lumière fut restaurée.
Sa chaleur réchauffait, sa
splendeur rayonnait.
Ayla lâcha une longue expiration qu’elle n’avait pas même eu
conscience de retenir, regarda autour d’elle. Elle n’était pas la seule à être
fascinée par l’histoire. La femme obèse captait l’attention de tous.
La Grande Mère vivait la peine au cœur
Qu’Elle et Son fils soient à jamais séparés.
Se languissant de Son enfant perdu,
Elle puisa une ardeur nouvelle dans Sa force de vie.
Elle ne pouvait se résigner à la
perte du fils adoré.
Le visage ruisselant de larmes, Ayla sentit soudain l’étreindre
la douleur d’avoir
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