Les refuges de pierre
homme jeune, dont le visage lui parut vaguement
familier mais qui n’appartenait pas à la Neuvième Caverne, elle en était sûre.
A ses vêtements, elle identifia un membre de la Troisième Caverne et sut alors
pourquoi elle avait l’impression de le connaître. Il ressemblait à Manvelar, le
chef de cette Caverne. Quand elle essaya de se rappeler si elle l’avait
rencontré, le nom de Morizan lui vint à l’esprit. Il se tenait près de Ramila,
la jeune brune rondelette et attirante qui faisait partie des amies de Folara.
Il était sans doute en visite au camp de la Neuvième Caverne quand Ayla avait
annoncé sa découverte et s’était joint au groupe.
Tous les autres avaient uni leur voix à celle de Zelandoni et en
étaient arrivés à une strophe qui prenait en ce lieu une résonance
particulière :
Quand Elle fut prête, Ses eaux d’enfantement
Ramenèrent sur la Terre nue une vie verdoyante.
Et Ses larmes abondamment versées,
Devinrent des gouttes de rosée étincelantes.
Les eaux apportaient la vie, mais
Ses pleurs n’étaient pas taris.
Avec un grondement de tonnerre, Ses montagnes se fendirent
Et par la caverne qui s’ouvrit dessous
Elle fut de nouveau mère,
Donnant vie à toutes les créatures de la Terre
D’autres enfants étaient nés, mais
la Mère était épuisée.
Chaque enfant était différent, certains petits, d’autres
grands.
Certains marchaient, d’autres volaient, certains nageaient, d’autres
rampaient.
Mais chaque forme était parfaite, chaque esprit complet.
Chacun était un modèle qu’on pouvait répéter.
La Mère le voulait, la Terre verte
se peuplait.
Ayla éprouva soudain une sensation qu’elle avait déjà connue
bien des années auparavant ; une sorte de pressentiment l’envahit. Depuis
le Rassemblement du Clan, où Creb avait appris d’une manière inexplicable qu’Ayla
était différente, elle était quelquefois saisie par cette peur singulière, cet
étrange désarroi, comme si le Mog-ur l’avait transformée. Elle sentit des
picotements, une nausée, un vertige, et frissonna quand le souvenir d’une
obscurité plus profonde que celle de la grotte la plus sombre redevint réalité.
Au fond de sa gorge, elle sentit le goût de terreau sombre et froid, de
champignons des forêts primitives.
Un grondement rageur déchira le silence, et ceux, qui
regardaient reculèrent, terrifiés. L’énorme ours des cavernes poussa de toutes
ses forces sur la porte de la cage, qui céda et tomba par terre. L’animal
furieux était libre ! Broud lui sauta sur les épaules, deux autres s’agrippèrent
à sa fourrure. Soudain l’un d’eux tomba dans l’étreinte du monstre, et ses cris
de souffrance cessèrent soudain lorsqu’un puissant coup de patte lui brisa l’échine...
Les Mog-ur soulevèrent le corps et le portèrent solennellement dans une grotte.
Creb, vêtu de sa cape en peau d’ours, ouvrait la marche en claudiquant.
Ayla regardait le liquide blanc qui dégouttait du bol de bois
fendillé. Elle se sentait angoissée, elle avait commis une erreur : il n’aurait
pas dû rester de breuvage. Elle porta le bol à ses lèvres, le vida. Sa vue
changea, une lumière blanche se mit à briller en elle ; elle eut l’impression
de grandir, de regarder d’en haut des étoiles éclairant un chemin. Elles se
transformèrent en petites lumières vacillantes alignées le long d’une
interminable galerie. Tout au bout, une lueur rouge s’amplifia, emplit tout son
champ de vision. Prise d’étourdissements et de nausées, Ayla découvrit les
Mog-ur assis en cercle, à demi cachés par des piliers stalagmitiques.
Pétrifiée de peur, elle sombra dans un abîme de ténèbres.
Soudain Creb rejoignit en elle la lumière qui l’inondait, il l’aidait, il la
soutenait, il apaisait sa frayeur. Il la guida en un étrange retour aux temps
originels à travers une eau saline, une terre riche en terreau et plantée de
hauts arbres. Puis, foulant de nouveau le sol, ils marchèrent longuement vers l’ouest
en direction d’une grande mer salée. Ils parvinrent à une paroi abrupte qui
faisait face à une rivière et à une vaste plaine, avec une anfractuosité sous
un surplomb. C’était la grotte d’un ancêtre de Mog-ur mais, tandis qu’ils s’en
approchaient, l’image de Creb commença à s’estomper. Il la quittait.
La scène devint floue. Le Mog-ur s’éloignait, il avait
presque disparu. Ayla scruta désespérément le paysage,
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