Les refuges de pierre
amant
consommé. Jerika avait pris grand plaisir à partager le Don avec lui. Lorsqu’il
lui avait demandé de devenir sa compagne, elle avait accepté sans hésiter, puis
elle avait été ravie en découvrant qu’elle était grosse. Mais le bébé qu’elle
portait était trop gros pour son corps menu, et l’accouchement avait failli les
tuer, elle et sa fille. Son ventre avait tellement été abîmé qu’elle n’était
plus jamais retombée enceinte, à son grand regret, à son grand soulagement.
Or sa fille venait de choisir un homme qui, s’il n’était pas
aussi grand que Dalanar, était au moins aussi robuste, avec des muscles
puissants et une lourde charpente. Quoique grande, Joplaya avait une ossature
délicate, des hanches étroites. Dès que Jerika avait compris quel homme sa
fille allait choisir – et donc quel esprit la Mère choisirait pour
lui donner des enfants –, elle avait craint que Joplaya ne subisse le même
sort qu’elle, ou pire. Joplaya était déjà enceinte car elle avait été prise de
violentes nausées matinales pendant le voyage, mais elle refusait de mettre fin
à la grossesse, comme le lui suggérait sa mère.
Jerika savait qu’elle n’y pouvait rien. La décision appartenait
à la Mère. Joplaya serait honorée ou non d’un enfant quand Doni le
souhaiterait ; la jeune femme vivrait ou mourrait selon Sa décision, mais
Jerika songeait que, avec l’homme que sa fille avait choisi, elle risquait fort
de mourir jeune dans les douleurs de l’accouchement, sinon au premier bébé, du
moins plus tard, avec l’un des suivants. Son seul espoir était que Joplaya
survive au premier et, comme elle-même, ait le corps trop abîmé pour retomber
enceinte un jour. Mais voilà qu’elle entendait Ayla affirmer qu’elle
connaissait un moyen d’empêcher la vie de naître. Jerika résolut aussitôt que,
si sa fille souffrait autant qu’elle en accouchant et survivait à la naissance
du premier enfant, elle ne la laisserait jamais en avoir un autre.
— Un peu de calme, s’il vous plaît, réclama Celle Qui Était
la Première. Ayla, je veux être sûre d’avoir bien compris. Tu prétends savoir
comment empêcher une grossesse avant qu’elle commence ?
— Oui. Je croyais que vous le saviez aussi. J’ai eu recours
à certaines plantes en venant ici avec Jondalar. Je ne voulais pas avoir de
bébé pendant le Voyage, je n’avais personne pour m’aider.
— Tu m’as dit pourtant que Doni t’avait déjà accordé sa
faveur, que ton dernier saignement remontait à trois lunes. Tu voyageais
encore, à ce moment-là.
— Je suis presque certaine que le bébé a germé après que
nous avons traversé le glacier. Nous avions juste emporté assez de pierres
brûlantes losadunaï pour faire fondre de la glace afin d’avoir de quoi boire,
nous, les chevaux et Loup. Je n’ai même pas essayé de faire bouillir de l’eau
pour mon infusion du matin. La traversée fut très difficile. Nous étions
épuisés avant de parvenir de ce côté-ci et de descendre du glacier. Nous avons
fait halte pour reprendre des forces et je n’ai pas pris la peine de préparer
le breuvage. La vie pouvait commencer en moi, nous étions presque arrivés.
— De qui tenais-tu cette médecine ?
— D’Iza, la guérisseuse qui m’a élevée.
— Comment agissait-elle ? demanda Zelandoni de la
Quatorzième Caverne.
La Première tenta de masquer son irritation : elle posait
ses questions dans un ordre logique, elle n’avait pas besoin d’aide ni d’intervention
extérieure.
— Le Clan croit que l’esprit du totem de l’homme combat l’esprit
du totem de la femme, répondit Ayla. Quand celui de l’homme a le dessus, la vie
nouvelle commence. Iza connaissait des plantes qui rendent plus fort le totem
de la femme et l’aident à vaincre celui de l’homme.
— Naïf, mais je suis déjà étonnée que les Têtes Plates
aient des idées sur la question, ironisa la Quatorzième, ce qui lui valut un
regard sévère de la Première.
Percevant son mépris, Ayla se félicita de ne pas avoir soufflé
mot de la façon dont, selon elle, l’homme faisait naître la vie chez une femme.
Elle ne croyait pas davantage à un mélange d’esprits qu’à un totem vaincu, mais
devinait que la Quatorzième ou d’autres trouveraient ses idées plus dignes de
critique que de considération.
La Première reprit le fil de ses questions :
— Tu as utilisé ces plantes pendant votre Voyage,
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