Les refuges de pierre
Elles
avaient conscience qu’elles pouvaient elles aussi subir la même honte et
voyaient les difficultés que cela entraînerait.
Janida sourit à celle qui avait pris sa défense mais ne dit
rien. Elle se sentait un peu plus avertie que la plupart des jeunes filles de
la hutte. Au moins, elle savait à quoi s’attendre, à la différence de celles
qui avaient patienté, et elle puisait un certain courage dans le fait qu’elle
avait osé affronter tous ses détracteurs. De plus, elle était enceinte. Élue
par Doni, quoi qu’on pût dire, et à un stade de sa grossesse où elle baignait
dans l’optimisme. Elle ne savait pas que son état avait déclenché dans son
corps la sécrétion de certaines hormones, elle savait seulement qu’elle était
heureuse d’attendre un bébé.
Malgré l’isolement et la surveillance des jeunes filles, les
commentaires que provoqua l’arrivée de Janida – en particulier la
phrase selon laquelle les Premiers Rites étaient « réservés aux filles qui
savent attendre, pas à celles qui trichent » — firent le tour du
camp. En l’apprenant, la Première fut furieuse. La fuite provenait forcément d’un
membre de la Zelandonia – personne d’autre n’aurait pu s’approcher de
la hutte – et elle aurait voulu savoir de qui il s’agissait.
Ayla et Jondalar avaient passé la majeure partie de la
journée à travailler sur les peaux d’aurochs, grattant d’abord la graisse et
les membranes de la partie intérieure, puis les poils de la partie extérieure
avec des racloirs en silex, trempant ensuite les peaux dans une solution de
cervelle de femelle écrasée à la main et mélangée à de l’eau, ce qui leur
donnait une souplesse étonnante. On les roulait, on les tordait – à
deux, un à chaque extrémité – pour en faire sortir le plus d’eau
possible. On perçait de petits trous autour du bord, à trois pouces d’intervalle.
Puis on attachait la peau encore humide sur un cadre de bois en insérant une corde
dans chaque trou.
Une fois le cadre bien fixé, entre deux arbres ou sur une poutre
horizontale, on travaillait la peau. A l’aide d’un bâton au bout arrondi, on
retirait dans un sens puis dans l’autre, jusqu’à ce qu’après une demi-journée
de labeur elle fût enfin sèche. A ce stade, elle était devenue presque blanche,
douce et souple. On aurait pu la tailler et en faire un vêtement, mais, si la
pluie la mouillait, il fallait l’assouplir de nouveau pour qu’elle ne durcisse
pas en séchant. Afin de garder à la peau sa souplesse et son aspect velouté,
même après lavage, il fallait procéder à un autre traitement. Plusieurs
possibilités s’offraient, selon le produit que l’on souhaitait obtenir.
Le plus simple était de la fumer. L’une des méthodes consistait
à planter une petite tente de voyage conique, à y allumer un feu dégageant
beaucoup de fumée, à accrocher en haut quelques peaux et à boucher les
ouvertures. La fumée emplissait la tente, enveloppait les peaux, recouvrait
chacune des fibres de collagène qu’elles contenaient. Après ce traitement, le
cuir restait souple même après avoir été mouillé ou lavé. Le fumage changeait
aussi la couleur de la peau, qui, selon le bois utilisé, allait du jaune au
brun en passant par le fauve et le marron.
Un autre procédé consistait à mélanger de l’ocre rouge en poudre
à du suif – de la graisse mise à fondre dans de l’eau frissonnante – et
à faire pénétrer la pâte obtenue dans la peau. Non seulement elle lui donnait
une couleur allant du rouge orangé au marron mais elle la rendait imperméable.
On pouvait utiliser un bâton arrondi ou un os pour mêler la substance grasse à
la peau, en écrasant la surface, en la polissant jusqu’à obtenir une patine
brillante. L’ocre rouge prévenait la décomposition bactérienne et protégeait
aussi des insectes, notamment des minuscules parasites vivant sur des animaux à
sang chaud, comme l’homme.
Troisième méthode, moins connue et requérant davantage de
travail : donner à la peau une couleur blanche. Les échecs étaient
nombreux car il était difficile de lui garder sa souplesse, mais en cas de
réussite le résultat était étonnant. Ayla tenait cette technique d’une vieille
Mamutoï nommée Crozie. Il fallait conserver son urine, attendre que, par un
processus chimique naturel, elle se transforme en ammoniaque, agent
blanchissant. Après avoir été raclée, la peau
Weitere Kostenlose Bücher