Les refuges de pierre
contraires sous une surface d’un
calme apparent. Marthona et Zelandoni devaient en savoir plus long que la
plupart des autres sur ce qui se passait en eau profonde, mais même ces deux
femmes puissantes ne savaient pas tout. Ayla avait noté des expressions, des
postures, des inflexions de voix qui fournissaient des indices sur ce qui se
déroulait en réalité, mais à la question des fuites succéderait un autre
problème. Les courants profonds tournoyaient et changeaient de sens sans qu’une
ride apparaisse à la surface. Il en serait ainsi tant qu’il y aurait des êtres
humains.
— Je passe voir les chevaux, annonça-t-elle à Jondalar. Tu
m’accompagnes ?
— Je viens avec toi, mais attends un peu. Je vais chercher
le lance-sagaie que j’ai fabriqué pour Lanidar. Je suis trop grand pour l’essayer ;
toi, tu pourrais peut-être. Je sais qu’il sera petit pour toi mais tu sentiras
s’il peut lui convenir.
— Je suis sûre qu’il lui conviendra parfaitement mais je
veux bien essayer. C’est Lanidar qui est le mieux placé pour le savoir. Encore
devra-t-il attendre d’avoir acquis quelque pratique. J’ai l’impression que tu
vas faire le bonheur de ce garçon.
Le soleil approchait de son zénith lorsqu’ils commencèrent à
rassembler leurs affaires. Ils avaient étrillé les chevaux, et Ayla les
examinait avec soin. A la saison chaude, des insectes volants tentaient souvent
de déposer des œufs dans les coins humides et chauds des yeux de divers
herbivores, cerfs et chevaux en particulier. Iza lui avait appris à faire usage
du liquide clair de la plante blanc-bleu qui poussait dans les forêts ombreuses
et ressemblait à une chose morte. Elle tirait sa subsistance du bois
pourrissant, et sa surface cireuse noircissait quand on la touchait. Il n’existait
pas meilleur traitement pour les yeux irrités ou enflammés que le liquide frais
suintant de sa tige cassée.
Ayla avait essayé le petit lance-sagaie, qu’elle jugeait parfait
pour Lanidar. Jondalar avait aussi fabriqué plusieurs projectiles et il décida
d’en faire d’autres lorsqu’il avisa un boqueteau de jeunes aulnes au tronc
mince et droit, d’un diamètre adéquat pour de petites sagaies. Il en coupa
quelques-uns. Ayla ne sut jamais ce qui la poussa à pénétrer dans le bois baigné
par le ruisseau, derrière l’enclos de Whinney et Rapide.
— Où vas-tu ? l’appela son compagnon. Il faut rentrer,
je dois aller au camp principal cet après-midi.
— Je ne serai pas longue, assura-t-elle.
Jondalar la suivit des yeux à travers le rideau d’arbres et se
demanda si elle avait vu quelque chose bouger là-bas. Peut-être un danger qui
menaçait les chevaux. Peut-être aurais-je dû l’accompagner, pensait-il quand il
l’entendit s’écrier :
— Non ! Oh, non !
Il courut aussi vite que le lui permettaient ses longues jambes,
fendit les broussailles, se cogna à une branche basse. Quand il eut rejoint
Ayla, il poussa lui aussi un cri de refus et tomba à genoux.
35
Sur la berge boueuse du petit cours d’eau, Jondalar se pencha
vers Ayla. Allongée près du loup couché sur le flanc, elle tenait entre ses
mains la tête de l’animal, qui essayait de lui lécher le visage. Une de ses
oreilles, déchirée, saignait.
— C’est Loup ! Il est blessé, gémit-elle.
Ses larmes traçaient des sillons blancs dans la tache boueuse
qui lui maculait la joue.
— Que lui est-il arrivé ?
— Je ne sais pas mais nous devons le secourir,
répondit-elle en se redressant. Il nous faut une litière pour le porter au
camp. Loup tenta d’imiter Ayla et retomba dans la boue.
— Reste avec lui, dit Jondalar. Je vais fabriquer une
civière avec les aulnes que je viens de couper.
Quand Ayla et Jondalar regagnèrent le camp, plusieurs Zelandonii
se pressèrent autour d’eux et proposèrent leur aide, ce qui fit comprendre à
Ayla que beaucoup de membres de la Neuvième Caverne s’étaient pris d’affection
pour Loup.
— Je lui prépare un coin dans la hutte, dit Marthona en
partant devant.
— Qu’est-ce que je peux faire ? s’enquit Joharran, qui
venait de rentrer au camp.
— Tu pourrais aller voir si Zelandoni a de la consoude, ainsi
que des pétales de souci. Je crois qu’il s’est battu avec d’autres loups et les
morsures peuvent donner de vilaines plaies. On doit les nettoyer avec soin et
appliquer de puissants remèdes.
— Faut-il faire bouillir de l’eau ? demanda Willamar.
La
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