Les refuges de pierre
réponde oui, pour les faire
réfléchir. Il lui avait fallu beaucoup de temps pour dépasser les croyances de
son peuple, insufflées en lui dès l’enfance, quasiment avec le lait de sa mère.
S’ils pensaient qu’une femme ayant donné naissance à une « abomination »
pouvait devenir la compagne d’un chef, cela ébranlerait un peu leurs
convictions. Plus il y songeait, plus il était persuadé que pour son propre
bien, pour sa propre sécurité, son peuple devait changer, accepter l’idée que
ceux du Clan étaient aussi des humains.
— Elle l’a nourri, expliqua Ayla, en même temps que sa
propre fille. C’était le fils d’une femme du Clan morte solitaire peu après la
naissance du bébé. Nezzie l’a adopté, comme Iza m’a adoptée quand il n’y avait
personne pour s’occuper de moi.
Ce fut quand même un choc, et à certains égards peut-être plus
brutal, car la compagne du chef avait volontairement choisi de prendre soin du
nouveau-né, qui serait mort près de sa mère. Un silence descendit sur le groupe
tandis que chacun réfléchissait à ce qu’il venait d’apprendre.
Loup était resté dans la vallée où les chevaux paissaient
pour explorer ce nouveau territoire. Au bout d’un moment qui lui sembla
approprié et pour des raisons que lui seul connaissait, il décida de retourner
à l’endroit qu’Ayla lui avait désigné comme leur nouveau foyer, l’endroit où il
devait aller quand il voulait la trouver. Comme tous ceux de son espèce, le
loup se déplaçait rapidement et sans effort, semblant presque flotter dans le
paysage boisé. Plusieurs personnes étaient en train de cueillir des baies dans
la Vallée des Bois. L’un des hommes aperçut Loup passer en silence entre les
arbres.
— Le loup arrive ! Tout seul ! prévint l’homme
avant de détaler aussi vite qu’il le put.
— Où est mon bébé ? cria une femme prise de panique.
Elle regarda autour d’elle, vit son enfant, courut vers lui, le souleva dans
ses bras et l’emporta.
Loup parvint au sentier menant à la corniche et s’y engagea
de sa foulée rapide.
— Regarde cette bête, dit une femme. Je n’aime pas l’idée d’avoir
un loup ici en haut.
— Joharran l’a autorisé à venir mais je vais aller prendre
ma sagaie, lui répondit un homme. Il a beau avoir l’air amical, je ne fais pas
confiance à cet animal.
D’autres Zelandonii s’écartèrent quand le loup atteignit la
corniche et se dirigea vers la demeure de Marthona. Un homme renversa plusieurs
hampes de sagaie dans sa hâte de déguerpir.
L’animal sentait la peur des humains qui l’entouraient et il n’aimait
pas cela, mais il continua à courir en direction de l’endroit qu’Ayla lui avait
indiqué.
Le silence de la demeure de Marthona fut rompu quand Willamar
se leva soudain en criant :
— Un loup ! Grande Mère, comment cette bête est-elle
arrivée ici ?
— Ne t’inquiète pas, dit Marthona, essayant de le rassurer.
Il a le droit de venir ici.
Folara croisa le regard de son frère aîné, et bien qu’encore
nerveux Joharran parvint à lui adresser un sourire entendu.
— C’est le loup d’Ayla, expliqua Jondalar, qui se leva à
son tour pour prévenir toute réaction hâtive.
Au même moment, Ayla se précipita vers l’entrée afin de calmer l’animal,
affolé d’être accueilli par un tel vacarme dans le lieu où sa maîtresse lui
avait demandé de venir. La queue entre les jambes, le poil hérissé, Loup montra
les crocs.
Si Zelandoni l’avait pu, elle aurait bondi de son coussin aussi
vite que Willamar. Le grondement menaçant semblait la viser en particulier et
elle tremblait de peur. Bien qu’elle eût entendu parler des animaux de l’étrangère
et qu’elle les eût aperçus de loin, elle était terrifiée par le prédateur à
quatre pattes qui avait pénétré dans l’habitation. Jamais une de ces bêtes ne l’avait
approchée d’aussi près. En général, les loups fuyaient les humains.
Elle fut abasourdie quand Ayla se pencha vers Loup sans la
moindre crainte, l’entoura de ses bras et lui murmura des mots apaisants que la
doniate ne comprit qu’à demi. D’abord tout excité, le loup lécha le cou et le
visage de la jeune femme puis il commença à se calmer. C’était la plus
incroyable démonstration de pouvoirs surnaturels à laquelle Zelandoni eût
assisté. Quelle sorte de savoir cette femme possédait-elle pour exercer une
telle maîtrise sur un animal ? La doniate
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