Les refuges de pierre
t’inquiéter.
— Qui dit que je m’inquiète ? répondit-il en tâchant d’avoir
l’air serein.
Elle se figea, posa une main sur son ventre.
— Ayla, tu ne crois pas qu’il vaut mieux que j’aille
prévenir Zelandoni ?
— D’accord. Mais seulement si tu promets de lui dire que je
n’en suis qu’au début. Rien ne presse.
Jondalar sortit en trombe et revint en tirant quasiment la
doniate derrière lui.
— Je t’avais dit que rien ne pressait, lui reprocha-t-elle.
Zelandoni, je suis désolée qu’il t’ait appelée si tôt. Cela vient à peine de
commencer.
— Jondalar pourrait aller passer un moment chez Joharran et
avertir Proleva que j’aurai peut-être besoin d’elle plus tard. Je n’ai rien d’important
à faire, je reste pour te tenir compagnie, Ayla. Aurais-tu une infusion à m’offrir ?
— Je peux en préparer une. Zelandoni a raison, Jondalar. Va
donc chez Joharran.
— En passant, préviens aussi Marthona, mais ne la ramène
pas ici, dit la Première.
Après le départ de Jondalar, elle ajouta :
— A la naissance de Folara, il a assisté à l’accouchement
avec le plus grand calme. Mais c’est toujours différent quand c’est la compagne
qui enfante.
Ayla se figea de nouveau, attendit que la contraction passe puis
commença à préparer l’infusion. Zelandoni l’avait observée en notant le temps
pendant lequel elle était restée immobile. Puis la doniate s’assit sur un large
tabouret qu’Ayla lui réservait, sachant qu’elle n’aimait pas s’installer par
terre ou sur des coussins si elle pouvait l’éviter. Ayla l’utilisait aussi ces
derniers temps.
Après avoir bu une infusion et bavardé pendant qu’Ayla avait d’autres
contractions, Zelandoni suggéra à la jeune femme de s’étendre pour qu’elle
puisse l’examiner. Ayla s’exécuta. La Première attendit la contraction
suivante, palpa le ventre et annonça :
— Ce ne sera peut-être pas si long, finalement.
Ayla se leva de sa couche, fit un pas pour aller s’asseoir sur
un coussin, changea d’avis et retourna près du foyer, but une gorgée d’infusion,
sentit une autre contraction. Elle se demanda si elle devait retourner sur sa
couche : tout se passait plus vite qu’elle n’avait cru. Zelandoni l’examina
de nouveau puis la regarda dans les yeux.
— Ce n’est pas ton premier bébé, n’est-ce pas ?
Ayla attendit la fin d’un nouveau spasme pour répondre.
— Non. J’ai eu un fils.
La doniate se demanda pourquoi l’enfant n’était pas auprès d’elle.
N’avait-il pas survécu ? S’il était mort-né ou s’il avait succombé peu
après la naissance, c’était important à savoir.
— Qu’est-il devenu ?
— J’ai dû le laisser. Je l’ai confié à ma sœur, Uba. Il vit
encore avec le Clan, du moins je l’espère.
— L’accouchement avait été très difficile ?
— Oui. J’ai failli mourir en lui donnant le jour. Ayla
parlait d’une voix neutre en tâchant de ne montrer aucune émotion, mais la
Première décela de la peur dans ses yeux.
— Quel âge a-t-il ? Ou plutôt quel âge avais-tu quand
tu as accouché ?
— Je ne comptais pas encore douze ans.
Une autre contraction la fit grimacer. Elles se succédaient plus
vite, à présent.
— Et maintenant ? demanda Zelandoni quand la
contraction fut passée.
— J’en compterai vingt après cet hiver. C’est vieux pour
avoir un bébé.
— Non, mais tu étais très jeune quand tu as eu le premier.
Trop jeune. Pas étonnant que l’accouchement ait été aussi difficile. Tu dis que
tu l’as laissé avec ton Clan...
La doniate s’interrompit, réfléchit à la façon de formuler sa
question et finit par demander :
— Ton fils, c’est un esprit mêlé ?
Ayla ne répondit pas immédiatement. Elle regarda Zelandoni puis
se plia soudain de douleur.
— Oui, murmura-t-elle, effrayée, quand la contraction fut
passée.
— Je crois que cela aussi a contribué à rendre l’accouchement
difficile. Les enfants d’esprit mêlé posent des problèmes à cause de leur tête.
Elle est trop grosse, elle a une forme différente. Elle passe moins bien. Cette
fois, ce ne sera peut-être pas aussi douloureux pour toi. Tu te débrouilles
très bien, tu sais.
Zelandoni avait senti la tension d’Ayla croître avec le dernier
spasme. Si elle se crispe, cela ne fera qu’aggraver les choses, pensa-t-elle,
mais je crains qu’elle garde un terrible souvenir de son premier
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