Les refuges de pierre
tenu des circonstances, c’était assez normal. Jondalar
lui avait parlé de la jeune femme, en précisant qu’ils étaient presque promis l’un
à l’autre avant son départ, et Ayla imaginait ce qu’elle aurait ressenti à la
place de Marona. Toutefois celle-ci avait fait preuve de franchise, et Ayla
avait envie de mieux connaître certaines femmes de la Caverne.
Elle manquait d’amies. En grandissant, elle avait eu peu de
compagnes de son âge. Uba, la vraie fille d’Iza, avait été une sœur pour elle,
mais Uba était beaucoup plus jeune, et si Ayla s’était attachée à toutes les
femmes du clan de Brun, il restait des différences entre elles. Malgré tous les
efforts qu’elle avait déployés pour devenir une vraie femme du Clan, elle n’avait
pu tout changer en elle. Il lui avait fallu attendre de vivre chez les Mamutoï
et de rencontrer Deegie pour connaître le plaisir d’avoir quelqu’un de son âge
à qui se confier. Deegie lui manquait, comme lui manquait Tholie des
Sharamudoï, devenue une amie dont Ayla se souviendrait toujours.
— Merci, Marona. Je me joindrai volontiers à vous,
répondit-elle en enfilant sa tenue usée par le voyage. Je n’ai que cela, mais
Marthona et Folara m’aideront à coudre des vêtements.
— Nous pourrons peut-être t’en offrir quelques-uns, en
guise de cadeau de bienvenue, dit Marona.
— Jondalar, tu peux prendre la peau de chamois ?
demanda Ayla.
— Bien sûr, répondit-il.
Il la tint brièvement contre lui pour effleurer sa joue avec la
sienne puis elle partit avec les trois femmes. Il les regarda s’éloigner et
plissa le front. Bien qu’il n’eût pas officiellement demandé à Marona d’être sa
compagne, il l’avait amenée à croire qu’ils s’uniraient aux Matrimoniales de la
Réunion d’Été, et elle avait fait des projets. Au lieu de quoi, il était parti
pour le grand Voyage avec son frère et ne s’était pas montré. Cela avait dû
être difficile pour elle.
C’était pourtant une superbe créature. La plupart des hommes la
considéraient comme la plus belle et la plus désirable des femmes aux Réunions
d’Été. Et, même si Jondalar n’était pas de cet avis, elle montrait à coup sûr
du talent quand il s’agissait de partager le Don du Plaisir. Simplement, elle n’était
pas celle qu’il désirait le plus. Mais les autres affirmaient qu’ils étaient
faits l’un pour l’autre, qu’ils allaient bien ensemble, et tout le monde s’attendait
qu’ils nouent la lanière. Jondalar l’avait presque accepté, d’ailleurs. Il
souhaitait un foyer avec une femme et des enfants, et comme il ne pouvait s’unir
à Zolena, la seule qu’il voulait, Marona aurait convenu tout aussi bien qu’une
autre.
Sans se l’avouer, il s’était senti soulagé quand il avait décidé
de partir avec Thonolan. A l’époque, cela lui avait paru le moyen le plus
facile de se dépêtrer de ses engagements envers Marona. Il était sûr qu’elle
trouverait quelqu’un d’autre pendant son absence. C’était ce qui s’était passé,
elle l’avait dit, mais cela n’avait pas duré. Il s’était attendu à la revoir
dans un foyer plein d’enfants. Elle n’avait pas parlé d’enfants, c’était
curieux.
Marona était encore belle mais avait un caractère difficile et
un fond malveillant. Elle pouvait être méprisante et rancunière. Les plis du
front de Jondalar s’accentuèrent tandis qu’il regardait Ayla et les trois
femmes se diriger vers la Neuvième Caverne.
6
Loup vit Ayla traverser le pré des chevaux avec les trois
femmes et s’élança vers elles. Lorava poussa un cri aigu ; Portula eut un
hoquet et, prise de panique, chercha un endroit où se réfugier ; Marona
blêmit de peur. Devant leur réaction, Ayla fit signe à Loup d’arrêter.
— Assez ! cria-t-elle à voix haute, plus à l’intention
des trois femmes que de l’animal, même si le mot renforçait le signal.
Le carnassier s’arrêta et regarda Ayla, guettant le signe qu’il
pouvait approcher.
— Vous voulez faire sa connaissance ? dit-elle. Il ne
vous fera aucun mal.
— Pourquoi aurais-je envie de faire la connaissance d’une
bête ? répliqua Marona.
Le ton de sa voix incita Ayla à l’examiner avec plus d’attention.
Elle décela sur son visage de la frayeur, naturellement, mais aussi, ce qui
était étonnant, une trace de dégoût et même de la colère. Ayla comprenait la
peur, mais non pas le reste. Ce n’était pas le
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