Les reliques sacrées d'Hitler
chauffeur de lâUSFET capable de faire rouler ce véhicule particulier, étonnamment prédisposé aux accidents. Dâaprès les légendes qui couraient dans le parc automobile, il avait subi une collision de plein fouet avec une vache à Padoue, une autre avec un mur de pierres à Reims et une à Mannheim avec un chasseur qui venait dâêtre abattu.
La perspective dâun repas maison, dâun bain chaud et dâune nuit dans lâancienne chambre dâinvité dâun commandant nazi avait suffi pour inciter Dollar à réduire de presque trente minutes la durée du trajet de Francfort à Freising. Ils arrivèrent en début de soirée, largement à temps pour que Horn puisse informer son officier supérieur des ordres quâil avait reçus de lâUSFET, prendre son courrier â une seule lettre de sa femme â et rejoindre Rosenthal pour le dîner, avec une bonne bouteille et la perspective de leur partie dâéchecs vespérale. Pendant que Rosenthal enfilait un tablier et se mettait à la cuisine, Horn préparait ses bagages pour se rendre à Nuremberg le lendemain.
Outre ses affaires de toilette, ses vêtements et ses livres â Horn ne se déplaçait jamais sans son exemplaire de LâHistoire de lâart de Panofsky â, il remplit une cantine avec un certain nombre de produits divers que Rosenthal et lui gardaient sous clé dans un placard du couloir. Il sâagissait dâarticles de luxe que les deux officiers avaient accumulés en Angleterre, en Belgique et en France au cours des deux dernières années. La majeure partie, toutefois, avait été trouvée dans la maison, cachée dans le grenier par le précédent occupant nazi. Outre un album de photos de Marlene Dietrich et une moto DKW dans le garage, que Felix et lui avaient rachetée à un fermier à Remagen, les biens cachés dans le placard étaient ce quâils possédaient en commun de plus précieux.
Dans ce trésor, Horn sélectionna des cartons de cigarettes, des boîtes de chocolat, des bas nylon, de la viande en conserve et deux caisses dâalcool, les seules devises en dehors des dollars américains qui comptaient vraiment dans cette Allemagne occupée, où une seule cigarette coûtait le prix dâun billet de train et où une paire de bas nylon pouvait sâéchanger contre nâimporte quoi, depuis un objet de famille jusquâà une soirée à Munich.
Quand Horn eut fini de remplir la cantine, le soldat Dollar lâaida à la transporter jusquâà la jeep. En la chargeant à lâarrière, Horn informa son conducteur de ce quâil attendait de lui pendant les trois semaines à venir. Câétait en gros le même discours quâil avait fait à plusieurs reprises lorsquâil était en mission à lâextérieur, et tous ceux qui avaient travaillé avec le lieutenant en connaissaient au moins une version.
Horn ne voulait pas se montrer trop à cheval sur la plupart des règlements de lâUSFET. Notamment ceux relatifs à la fraternisation avec des civils, qui interdisaient formellement au personnel militaire américain de parler avec des Allemands, que ce soit des étrangers dans la rue ou une jolie fille dans un bar. Horn ne pouvait pas faire son travail sans se mêler au public et il ne sâattendait pas à ce que son chauffeur suive des règles que lui-même ne respectait pas. Au cours des semaines qui suivirent, Horn allait dâailleurs encourager Dollar à se mêler aux civils quâils rencontraient. àNuremberg ou ailleurs, ce serait un avantage majeur de disposer dâautres yeux et dâautres oreilles pour être à lâaffût de tout.
Il nâavait, ajouta Horn, quâun seul avertissement à lui donner. Dollar ne devait jamais se montrer hautain avec les Allemands quâil rencontrerait. En privé, comme en public, il devait se montrer respectueux envers tous. Respectueux voulait dire simplement que Dollar ne devait pas juger les gens dâaprès leur lieu de naissance, la façon dont ils étaient habillés, ni la langue quâils parlaient. Comme Horn le dirait à de nombreux collègues des renseignements au fil des années, il nâexcusait pas les
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