Les reliques sacrées d'Hitler
les souffrances quâil avait endurées dans la ville avant lâarrivée des Américains. Comme Troche et le reste de lâéquipe du musée, il avait passé les quatre derniers jours avant lâoccupation dans un abri situé sous lâécole élémentaire de la place Pannier à Nuremberg.
Lutze alla droit au fait. Il avait appris la création du bunker de la bouche de Liebel au début de la rénovation de lâédifice. Lutze croyait, comme Dreykorn, que la seule fonction du bunker était dây entreposer les trésors du Saint Empire et le retable de Stoss, conservés alors à la banque Kohn, un endroit jugé inadapté pour la conservation dâobjets dâart. La chambre forte de la banque était parfaite pour conserver lâargent liquide, les bons, lâor, non des étoffes inestimables, des sculptures sur bois fragiles et des caisses massives contenant des objets dâart sacrés. Aussi, Liebel, probablement avec lâassentiment dâHimmler, sâétait mis à la recherche dâun endroit plus propice.
Lâimplication de Lutze dans le traitement des objets dâart était toutefois antérieure à la création du bunker. Conscient de ses connaissances et de sa familiarité avec la collection Stoss au Musée germanique, Liebel avait convié Lutze à participer au déménagement du retable de Stoss de la vénérable basilique Sainte-Marie à Cracovie. Lutze reconnut sans la moindre gêne que Heinz Schmeissner et lui-même étaient arrivés à Cracovie par le train, et, avec lâaide dâune vingtaine de membres dâune unité spéciale SS de lâAhnenerbe et sous la direction du docteur Peter Paulson de lâuniversité de Berlin, ils avaient démonté le retable morceau par morceau pour lâexpédier en Allemagne, où, dit-il, il serait mieux protégé. Sa présence dans la basilique ayant été seulement consultative, le véritable travail de déménagement du retable avait été effectué par des troupes gouvernementales dâHimmler. Lutze considérait donc sa participation dans cette affaire comme tout au plus marginale.
En écoutant Lutze, comme Dreykorn avant lui, Horn avait du mal à se contenir. Le vol du retable de Stoss nâavait pas résulté dâune bataille, il faisait partie dâun programme idéologique systématique visant à dépouiller une autre nation de son patrimoine artistique et culturel. Lutze, en tant que professionnel accompli des musées, ne pouvait pas ignorer la nature de ses actes. Et pourtant, à lâentendre, il rendait service à la Pologne. Cracovie était ravagée par la guerre et le retable devait être déménagé pour être protégé. La seule difficulté, disait-il, avait été de ramener le retable à Nuremberg, plusieurs haut gradés nazis désirant que le chef-dâÅuvre de Stoss soit mis en sécurité ailleurs.
Malgré les protestations de Liebel, le retable avait été détourné vers Berlin, où lâarchitecte nazi Albert Speer pensait quâil devrait être exposé. Dâautres haut gradés nazis ne manquaient pas dâidées pour le retable, eux non plus. Parmi eux, Hermann Göring, surtout, le voyait déjà réhausser le lustre de Karinhall, sa somptueuse demeure. Le ministre de la Propagande Josef Goebbels pensait, quant à lui, quâil devrait faire partie dâune exposition itinérante dâÅuvres dâart nazies.
Lâarrivée du retable à Nuremberg, affirma Lutze, avait été due à lâintervention dâHimmler, avec lâaide de Julius Streicher. Avec une vanité confinant à lâarrogance, Lutze admit ultérieurement avoir personnellement contribué à la présentation qui avait permis lâadhésion dâHitler à la demande de Liebel concernant le trophée. Le retable, installé à Nuremberg, devait être le clou dâune éventuelle célébration en 1947 pour le cinq centième anniversaire de la naissance de lâartiste. Après la guerre, il serait installé à lâéglise Saint-Laurent, future cathédrale nationale dâAllemagne. Mais jamais il ne fut question dâun éventuel retour du retable en
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