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Les révoltés de Dieu

Les révoltés de Dieu

Titel: Les révoltés de Dieu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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l’apôtre Philippe en compagnie de deux autres
disciples, Barthélemy et Marianne. Ils s’apprêtent à célébrer la messe, mais « soudain
un tremblement souterrain, un tumulte et un bouillonnement se firent entendre d’un
lieu tout proche, où il y avait un grand amas de pierres [19] .
Et de là, s’élevaient confusément des voix qui disaient : Allez-vous-en, serviteurs
du Dieu ineffable ; rentrez chez vous et nous resterons chez nous [20] .
[…] Nous sommes cinquante démons d’une seule et même nature à avoir reçu ce
petit territoire en partage ». Et, parmi eux, se trouve un dragon qui
explique ce qui est en quelque sorte la genèse des cohortes diaboliques :
« Voici d’où je tire mon origine : du complot fomenté au paradis ;
c’est là que m’a maudit celui qui veut me faire périr par toi. Car alors, m’étant
retiré du jardin aux mille plantes, je trouvai à me tapir dans Caïn, à cause d’Abel.
Puis, ayant dressé devant les anges la beauté féminine, je les ai précipités du
haut du ciel. Et ayant engendré des fils de grande taille [21] …
Ceux-ci s’étant multipliés, se mirent à dévorer les hommes comme des
sauterelles. Puis, le déluge les ayant fait disparaître [22] ,
ils enfantèrent la race des démons et des serpents […]. » Philippe accomplit
alors un véritable exorcisme, obligeant les démons à quitter leur repaire.
« Et les démons, semblables à des reptiles, sortirent de l’éboulis de
pierres, cinquante serpents qui dressaient leurs têtes à dix coudées – car
chacun avait une longueur de soixante coudées […]. Et se dressa au milieu des serpents
un immense dragon d’environ cent coudées, noir de suie, crachant du feu et répandant
beaucoup de venin en un torrent déchaîné. Il avait une barbe de vingt coudées, la
tête qui se balançait comme la cime d’une montagne de fer et le corps tout
entier comme du feu. »
    Et ce n’est pas tout. Le dragon va plus loin dans son explication :
« Notre nature est obscure et sombre. Notre père s’appelle Ténébreux et
notre mère Noirceur. Ils nous ont engendrés ténébreux et noirs, aux pieds menus,
aux poils crochus, sans genoux, aux jambes rapides comme le vent, aériens, aux
yeux étincelants, à la barbe pointue, aux cheveux hérissés, répugnants, lubriques
et efféminés [23] . » Cependant, le dragon
conclut un accord avec Philippe : lui et les démons construiront « par
magie » une église, et auront le droit de s’établir ailleurs. Là encore, tout
est une question d’équilibre entre deux forces contraires.
    Ce récit, qui est une compilation de diverses traditions populaires,
n’est pas sans intérêt quant à la formation d’une image stéréotypée du grand
Satan. Mais que conclure de ce texte aussi fabuleux qu’énigmatique qu’est l’Apocalypse,
attribuée à l’apôtre Jean, dont le nom hébreu Iokanân signifie « témoin de la Lumière » ? On peut émettre une
hypothèse d’ordre ontologique : sans son contraire, Dieu (quel que soit le
nom qu’on lui attribue) ne peut pas savoir qu’ il est .
Et l’univers, avec toutes les créatures qui y sont répandues, n’existerait pas
sans une force de non-existence . C’est
pourquoi il est permis de penser que la révolte des anges était programmée par
le Créateur : elle était nécessaire.
    Il n’empêche que seul Victor Hugo a su évoquer de façon saisissante
la révolte de l’archange [24] . Certes, il s’agit d’une
envolée visionnaire qui ne doit rien aux textes les plus anciens, mais elle
rend compte d’une tragédie cosmique qui a dû se produire, il y a bien longtemps,
dans les sphères célestes, bien avant la création de la matière telle que nous
la connaissons :
     
    « Depuis quatre mille ans, il tombait dans l’abîme,
    Il n’avait pas encor pu saisir une cime,
    Ni lever une fois son front démesuré,
    Il s’enfonçait dans l’ombre et la brume, effaré,
    Seul, et derrière lui, dans les nuits éternelles,
    Tombaient plus lentement les plumes de ses ailes. »
     
    Tout est dit, et la suite ne fait que mettre en évidence le
désespoir de l’archange déchu. À un moment de sa chute :
     
    « Tout à coup un roc heurta sa main ;
    Il l’étreignit, ainsi qu’un mort étreint sa tombe,
    Et s’arrêta. Quelqu’un, d’en haut, lui cria : Tombe !
    Les soleils s’éteindront autour de toi, maudit ! »
     
    Et cette chute atroce vers les abîmes se poursuit :
« Un

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