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Les révoltés de Dieu

Les révoltés de Dieu

Titel: Les révoltés de Dieu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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vie. Je placerai l’inimitié
entre toi et entre la femme, entre ta semence et entre sa semence. Lui ( en fait, il faut lire Elle ), il ( elle ) te visera la tête et toi tu lui viseras le
talon » ( Gen. III, 14-15, trad. Chouraqui ).
Cette représentation de la femme écrasant le serpent est fort répandue dans l’iconographie
chrétienne, mais elle demeure bien mystérieuse si l’on ne se réfère pas à l’image
de la Vierge Marie venant en quelque sorte détruire l’œuvre satanique du
serpent en donnant naissance au Christ rédempteur. Mais, comme le serpent de la
Genèse, Prométhée et Tantale sont maudits et châtiés pour avoir suscité chez
les existants humains le désir de dépasser la
condition primitive qui leur était imposée.
    Reste maintenant le châtiment imposé aux deux fautifs, Adam
et Ève. Et c’est là où se marque la différence entre la tradition grecque et la
Bible hébraïque. Qu’ils aient été illuminés par Prométhée ou Tantale, les humains ne se retrouvent pas condamnés pour avoir
accepté le don qui leur était fait. Adam et Ève sont punis sévèrement et
chassés du verger édénique : c’est d’abord la malédiction contre la femme :
« Je multiplierai ta peine et ta grossesse, dans la peine tu enfanteras
des fils. À ton homme, ta passion : lui te gouvernera. » ( Gen. III, 16 .) Puis c’est la malédiction de l’homme :
« Honnie est la glèbe à cause de toi. Dans la peine, tu en mangeras tous
les jours de ta vie. Elle fera germer pour toi carthame et chardon : mange
l’herbe du champ. À la sueur de tes narines, tu mangeras du pain jusqu’à
ton retour à la glèbe dont tu as été pris. Oui, tu es poussière, à la poussière
tu retourneras. » ( Gen. III, 17-19, trad. Chouraqui .)
    Le mystère est ici dans son intégralité : on peut en
effet se poser la question de savoir si l’humain était déjà « poussière »
avant la transgression, ou s’il le devient après celle-ci. Toute réponse est
arbitraire. On peut seulement supposer que l’humain n’était pas conscient de
son origine « poussiéreuse » et que, maintenant, il l’apprend et la comprend , ce qui le mène au désespoir, car quoi qu’il
fasse il est promis à la mort. Est-ce vraiment le résultat de la « faute »
par laquelle l’hominidé primitif a subitement pris conscience qu’il était
mortel ? Peut-être, mais en fait, rien n’est moins sûr. Les récentes
études scientifiques entreprises sur les crânes des squelettes les plus anciens,
hominidés ou homines sapientes , ont révélé que
la boîte crânienne présentait une certaine fêlure qui, en quelque sorte, présupposait
l’évolution du cerveau humain. Ainsi, tout était programmé d’avance. Et par qui
donc ? Par Yahvé-Adonaï lui-même, en toute connaissance de cause. On en
vient à se poser deux graves questions théologiques : est-ce que le
créateur – ou le démiurge, la distinction est ici sans importance –, omniscient
et infaillible par essence, n’a pas voulu
expressément, à un moment donné de l’histoire du monde, que l’existant humain
opérât cette transgression ressentie par les moralistes comme un péché d’orgueil
justifiant un châtiment exemplaire  ? Et si oui, dans quelle
perspective, dans quel but précis aurait-il agi de cette façon ?
    Si l’on reprend les termes de la Genèse, « Dieu » transmet
ses pouvoirs de créateur à l’ existant , à
charge, pour celui-ci, de continuer cette création et de la mener à bien « dans
le meilleur des mondes possibles » comme diront plus tard Leibniz et Voltaire,
le premier par conviction, le second par ironie. Mais Adam et Ève, au sein du
Paradis terrestre, ne sont pas encore nés . Ils
se contentent de vivre une vie végétative, sans aucun souci et surtout, sans
aucun problème métaphysique. Si l’on admet que le Paradis terrestre est à l’image
de l’univers utérin, on comprend fort bien qu’une naissance est nécessaire pour
assurer la vie de cet univers imparfait – étymologiquement « non achevé »
– et son évolution vers un but que « Dieu » seul connaît. À ce compte,
la transgression d’Adam et Ève est une naissance  :
ils vont pouvoir quitter l’univers utérin paisible, serein et rassurant qui
était le leur, pour affronter un univers hostile qu’ils sont chargés de mettre
en valeur. C’est ce que les psychanalystes, dans leur grande majorité, ont mis
en évidence en mettant

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