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Les révoltés de Dieu

Les révoltés de Dieu

Titel: Les révoltés de Dieu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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et la créature, mais également la potentialité de l’ existant humain à se hausser au rang des dieux, à
accomplir donc le processus qui conduit à l’ apothéose ,
au sens grec du mot, comme dans le cas d’Hêraklès admis au rang des dieux
olympiens. Mais l’apothéose d’Hêraklès n’est devenue effective que parce que
celui-ci a œuvré toute sa vie en tant que superman et qu’au terme de son existence, il a bien mérité de franchir le pas vers l’immortalité
divine. Il l’a gagnée par ses œuvres, thème théologique qu’on retrouvera plus
tard en débat chez saint Augustin et chez les réformateurs du XVI e  siècle. Adam et Ève (avec tout ce qu’ils
représentent d’humanité) ont-ils accompli les œuvres pour lesquelles ils
avaient été créés ?
    La réponse est « non ». Autrement, il faudrait
tenir Yahvé-Adonaï, ou plutôt les mystérieux Élohîm ,
comme des entités divines équivalentes aux dieux babyloniens ou grecs. D’après
tous les récits mythologiques, ceux qu’on appelle les « dieux » bien
que soumis eux-mêmes à cette force inexorable qu’est le destin , sont détenteurs d’immortalité et ne veulent absolument pas la partager avec les humains qui
sont directement ou indirectement leurs créatures et par conséquent leurs
obligés, leurs sujets, pour ne pas dire leurs thuriféraires. C’est pourquoi, si
l’on en croit l’épopée babylonienne de Gilgamesh, les dieux font perdre au
héros la fleur d’immortalité qu’il avait réussi à cueillir après de longues et
pénibles épreuves. C’est pourquoi le Zeus des Grecs s’acharne contre Prométhée,
contre Tantale et, plus tard, contre des humains comme Oreste ou Œdipe. Les
dieux sont jaloux de leurs prérogatives, de leurs « avantages » et du
culte obligé qu’on leur rend. Ils ne tolèrent pas que de fragiles existants humains se hissent jusqu’à leur domaine et
qu’ils puissent un jour prendre leur place, comme c’est le cas dans un récit
célèbre de Pierre Chamisso, L’Homme qui perdit son
ombre , nourri de traditions populaires assez anciennes, où l’ombre d’un
homme se met à vivre une vie autonome et néantise complètement celui qui lui a donné l’existence. Est-ce que le « cruel dieu
des juifs » serait un de ces tyrans tout-puissants, insensibles aux
malheurs des humbles, fiers de leur égoïsme monstrueux, tant de fois dénoncés
par les écrivains et les philosophes ?
    Nous sommes certes bien loin du « dieu d’amour »
prêché par Jésus-Christ. Mais le texte hébraïque est là, implacable dans sa
rigueur et, disons-le, dans sa terrible injustice. Pourtant, il convient de le
commenter en le nuançant. C’est un texte qui, malgré ses remaniements
successifs, remonte à la nuit des temps et se fait l’écho d’un événement réel, même
si celui-ci est quelque peu perdu dans une brume épaisse, un événement qui n’est
pas forcément limité dans le temps, mais au contraire étalé pendant des siècles,
des millénaires, et probablement des millions d’années.
    En fait, si l’on comprend bien ces versets de la Genèse, la
réaction de Yahvé-Adonaï n’a rien d’une condamnation de l’espèce humaine. Il
agit envers Adam et Ève comme un père qui désapprouve l’action de ses enfants
mais se garde bien de les foudroyer (pensons à la parabole évangélique de l’enfant
prodigue). Au contraire, il a même pitié d’eux puisque, pour déculpabiliser
leur « nudité » (ou leur « ouverture d’esprit », comme on
voudra), il leur confectionne « des tuniques de peau dont il les revêtit »
( Gen. III, 21 ). C’est un geste de protection
et de sollicitude. C’est une sorte de prélude à la rédemption promise. Néanmoins,
Yahvé chasse Adam et Ève du séjour qui leur était destiné. La question se pose :
pourquoi ?
    La réponse est théologique et non pas morale. Pendant des
siècles, on a considéré le drame de l’arbre de la Connaissance comme le
résultat de l’orgueil humain, et on a étendu le châtiment de cette « faute »
primordiale sur l’ensemble de l’humanité, considérée comme affaiblie par un « péché
originel ». Pourtant, à travers l’analyse rigoureuse des textes, rien, absolument
rien, ne vient étayer cette culpabilisation collective dans tout l’Ancien
Testament. Celui-ci ignore tout de la responsabilité collective des humains
proclamés, d’ailleurs très arbitrairement, nos « premiers

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