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Les révoltés de Dieu

Les révoltés de Dieu

Titel: Les révoltés de Dieu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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parents ».
    En fait, c’est au début de l’ère chrétienne que se dessinent
les contours de cette culpabilité collective. Le véritable créateur du « péché
originel » n’est ni plus ni moins que saint Augustin, évêque d’Hippone au
IV e  siècle, relayé par de nombreux théologiens
masochistes puis par Calvin, le réformateur du XVI e  siècle,
et Jansénius, le promoteur des doctrines qui portent son nom au sein même du
catholicisme. Il faut comprendre saint Augustin dont la jeunesse avait été
plutôt tumultueuse, pour ne pas dire perverse : ancien manichéen et même
ancien participant d’orgies gnostiques – qu’il dénoncera ensuite avec la plus
grande virulence – il était hanté par l’idée que l’ existant humain, pourtant créé à l’image de Dieu, était devenu d’une extrême faiblesse
depuis la transgression de l’arbre de la Connaissance, et que dans cet état, il
pouvait tomber dans les pires turpitudes s’il n’obtenait pas le secours de Dieu,
autrement dit la grâce . Pire, il soutenait – ce
que feront ensuite Calvin et les jansénistes – que Dieu pouvait refuser cette
grâce salvatrice à tous ceux qui lui déplaisaient, même à des justes. C’était
revenir non seulement au concept du Yahvé jaloux et vindicatif de l’Ancien
Testament, mais surtout à celui des dieux grecs s’acharnant contre de
malheureuses créatures.
    C’est pour contrer ce pessimisme farouche de l’évêque d’Hippone
– un Berbère, on l’oublie trop souvent – que le moine breton Pélage, son
contemporain, se mit à prêcher dans un sens tout à fait opposé, instaurant dans
l’Église romaine une contestation théologique qui ne s’est jamais apaisée. En
fait, la thèse de Pélage, qu’on appelle le pélagianisme, consistait essentiellement
à nier la transmission du péché originel et à affirmer que l’ existant humain, créé libre par Dieu, était, grâce à son libre arbitre absolu, capable de se sauver ou de se damner sans intervention de la divinité ou
de l’ ennemi , c’est-à-dire Satan. La querelle s’est
étendue dans tout le monde chrétien mais, bien que rejeté et combattu, le
pélagianisme n’a jamais été considéré comme une hérésie. Finalement, c’est la
position de saint Augustin qui a pris le dessus, en particulier au moment de la
Réforme, faisant du christianisme une religion tout entière bâtie sur la notion
de « culpabilité » ce qui ne semble pas, à la lecture attentive des
Évangiles, conforme à l’enseignement de Jésus.
    Dans la tradition chrétienne, tous les malheurs de l’humanité
ont ainsi leur source unique dans la transgression commise par Ève, puis par
Adam, qui a rendu nécessaire l’incarnation du Christ, fils de Dieu, et son
sacrifice pour effacer le péché originel. Bien entendu, cette tradition en a
profité pour salir Ève, coupable d’avoir
entraîné Adam dans la déchéance, et pour sublimer Marie, la mère de Jésus, nouvelle
Ève, certes, mais toujours vierge et intacte
de toute souillure. Pourtant, en relisant la Genèse sans parti pris, on s’aperçoit
qu’Ève n’est pas maudite par Yahvé : elle est seulement condamnée à « enfanter
dans la douleur ». Et il ne faut pas oublier qu’Ève a eu deux noms successifs :
elle a été d’abord Isha , « femme » (féminin
de Ish , « homme ») au moment de sa
création de la côte d’Adam ( Gen. II, 23 ) ;
après la transgression, elle a été nommée par Adam lui-même Havah , c’est-à-dire « vivante ». Et le
texte ajoute : « Oui, elle est la mère de tout vivant » ( Gen. III, 20 ). C’est un détail qui a son importance
et qui, malgré les circonstances, restitue à Ève toute sa dignité de femme.
    Il y a mieux. Dans le récit biblique, après avoir décrit la création
de l’univers, de la Terre et des existants qu’il
y place, le mystérieux Élohîm constate ( II, 5 ) :
« et de glébeux, point, pour servir la glèbe ». C’est alors que le
démiurge « forme le glébeux – Adam, poussière de la glèbe – Adama. Il
insuffle dans ses narines une haleine de vie : et c’est le glébeux, être
vivant » ( II, 7 ). Puis, plus loin,
« Élohîm prend le glébeux et le pose au Jardin d’Éden, pour le servir et pour le garder  » ( II, 15 ). Enfin, lors de l’expulsion d’Adam et Ève,
« Élohîm le renvoie du Jardin d’Éden pour servir
la glèbe dont il fut pris  » ( III, 23, trad.
Chouraqui ). Tout

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