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Les révoltés de Dieu

Les révoltés de Dieu

Titel: Les révoltés de Dieu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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peu communs. Une ziggourat n’est pas un tombeau comme une pyramide
égyptienne, c’est un temple fort complexe dont le sanctuaire principal se
trouve le plus haut possible : d’ailleurs, le nom de Babylone ( Babilâni en akkadien) signifie « porte des
dieux ». Il y a donc là une tentative pour se rapprocher le plus près
possible d’un dieu, pas pour le défier comme le fit Nemrod, mais pour communier avec lui. Dans ce cas, on ne voit pas
pourquoi Yahvé en prendrait ombrage.
    Mais la motivation religieuse de cette construction n’est
peut-être pas la seule. Intégrée dans une ville immense, une ziggourat devient
inévitablement un symbole de puissance et de domination, par son ampleur et sa
hauteur [94] . Babylone-Babel était la
capitale d’un immense empire fondé par Nemrod (même si ce personnage n’est pas
historique, il est emblématique), lequel, à n’en pas douter, était un tyran
dont le but était de dominer le monde. Dans ces conditions, comment ne pas voir
dans la tour de Babel la manifestation de cette volonté hégémonique ?
    Si l’on accepte cette vision des choses, l’attitude de Yahvé
ne paraît plus du tout celle d’un dieu jaloux de ses privilèges et prérogatives.
En « mêlant la lèvre » des bâtisseurs de la tour et en leur faisant
abandonner leur œuvre, il faisait avorter d’un coup la tentative hégémonique de
Babylone sur tous les autres peuples de la terre. Dès lors, il n’était plus un
dieu jaloux ou vengeur, mais un dieu bon qui protège la liberté des existants humains (qu’il a créés libres à son image) et élimine tout danger d’absolutisme.
C’est dans ce sens qu’il s’attaque à l’orgueil, non pas de l’humanité tout
entière, mais de celui de certains humains, tel Nemrod, qui se croient les
maîtres du monde et veulent imposer leur pouvoir à ceux qui sont en réalité
leurs égaux.
    Il y a plus. Lors de l’expulsion d’Adam et Ève du jardin d’Éden,
en réalité programmée depuis toujours, la mission des existants humains était d’occuper une terre stérile
et de la faire fructifier. Le pacte de Noé avec Yahvé n’était en fait qu’un rappel
de cette mission confiée aux humains.
    Il était dit clairement que les descendants de Noé devaient
se disperser sur toute la surface du globe et la mettre en valeur. Or, le fait
de concentrer des populations entières dans des villes au détriment des
campagnes constituait une violation du pacte. Ne formant qu’un seul peuple, parlant
la même langue, dépositaire d’une même tradition, l’humanité se retranchait
dans une forteresse sécurisante et abandonnait en quelque sorte la terre aux
démons du hasard, ce qui était évidemment contraire au plan élaboré à l’aube
des temps selon lequel cette humanité devait, le septième jour, prendre en
charge la création divine.
    Cela explique et justifie facilement la réaction de Yahvé :
puisque l’humanité a oublié sa mission et s’enferme dans son égoïsme, il faut l’obliger
à se disperser aux quatre coins du monde. Et la meilleure façon d’obliger les existants humains à se disperser était de rendre
insupportable leur cohabitation au sein d’un peuple unique, d’une ville unique,
d’une civilisation unique. L’unicité a parfois du bon, mais elle peut avoir des
effets pervers, car elle n’encourage pas les recherches individuelles et risque
de conduire à une certaine sclérose. C’est pourquoi Yahvé « mêle leur
lèvre », les contraignant à abandonner l’œuvre commune et à se disperser
un peu partout.
    Certes, cette interprétation peut être battue en brèche. Il
est tout aussi logique de prétendre que la confusion lancée sur les constructeurs
de Babel n’est pas une malédiction mais une façon de protéger sa toute-puissance,
en somme la préfiguration de ce qui deviendra des siècles plus tard la célèbre
devise romaine « diviser pour régner ». Dans ce cas, Yahvé
apparaîtrait non pas comme un bienfaiteur de l’humanité, mais comme un dieu
jaloux utilisant une stratégie quelque peu machiavélique.
    Mais, en soi, les choses ne sont ni bonnes ni mauvaises, elles
sont les deux. Cette dispersion aura par la suite, elle aussi, des effets
pervers. En effet, que veut dire exactement l’expression « mêler leur
lèvre » ? On l’a toujours interprétée comme le début de la
diversification des langages à partir d’un tronc commun. C’est sans doute vrai,
mais cela ne rend pas

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