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Les révoltés de Dieu

Les révoltés de Dieu

Titel: Les révoltés de Dieu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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boiteux est le nerveux. Œdipe est le symbole de l’homme
chancelant entre nervosité et banalisation. Il surcompense son infériorité (l’âme
blessée) par une active recherche d’une supériorité dominatrice. Mais sa
réussite extérieure deviendra cause de sa défaite intérieure ». Œdipe n’est
pas à la hauteur de Jacob : celui-ci est devenu boiteux après sa confrontation avec Yahvé. Œdipe est boiteux avant même d’agir. Il est boiteux par nature. Il
est marqué définitivement par l’échec, même s’il sort apparemment vainqueur de
l’épreuve. De plus, dit encore Paul Diel, « comme toute cavité (antre du
dragon, enfer, etc.) le chemin creux est symbole du subconscient ». La
rencontre d’Œdipe et de son père, rencontre fatale, se produit donc dans les
plus basses couches de la conscience. Œdipe ne sait rien, il est innocent :
et pourtant, cette agression contre le père figure nettement « le conflit
meurtrier qui déchire l’âme du boiteux : l’ambivalence entre la vanité blessée
et la vanité triomphante ». C’est là toute la différence entre Œdipe et
Jacob. Jamais Jacob n’a cherché à tirer parti de sa lutte avec « l’ange ».
Œdipe, au contraire, se glorifiera d’avoir éliminé un homme qui s’opposait à
lui. L’orgueil qui domine Œdipe est ce qui causera sa perte.
    Voici donc Œdipe lancé sur la route de son destin. Il se dirige
vers Thèbes, toujours inconsciemment , dans une
sorte de regressus ad uterum . Mais la ville de
Thèbes est tourmentée par la présence, en dehors des enceintes, d’un monstre
indéfinissable, au visage et à la poitrine de jeune fille, le reste du corps
étant léonin. Ici l’Égypte et la Grèce se mêlent en une même origine mythologique.
Ce monstre est en effet le Sphinx, ou plutôt la
Sphinge , être ambigu qui symbolise une féminité énigmatique que doit
décrypter et démystifier tout être masculin. Ce Sphinx interroge tous ceux qui
passent près de lui aux portes de Thèbes et leur pose une question à laquelle
ils doivent répondre sous peine d’être dévorés. C’est une calamité pour Thèbes
et, depuis la mort du roi Laïos, Créon qui, en tant que frère de la reine, assume
le rôle de régent, a fait savoir que celui qui aurait raison du Sphinx
deviendrait roi de Thèbes en épousant la reine veuve Jocaste.
    Œdipe, en apprenant cela, ne se tient plus de joie. Il
découvre tout à coup la puissance de son orgueil en même temps que son désir
profond de contrer le destin qui lui a été assigné par les dieux. Sa révolte
est immédiate : lui, le fils du roi de Corinthe, peut-être un bâtard né de
l’union accidentelle de deux êtres – et, qui sait ? de deux êtres de
classe inférieure –, il doit s’affirmer et prouver au monde entier non
seulement sa valeur mais sa raison de vivre. C’est pourquoi il se lance avec
une prétention démesurée dans l’épreuve proposée sans même savoir quels en sont
les tenants et aboutissants. Œdipe, avant d’être aveugle physiquement, est déjà
atteint de cette cécité psychologique qui causera plus tard sa perte, à moins
que ce ne soit son ascension vers un état supérieur de l’être.
    Le voici donc devant la Sphinge .
C’est évidemment un monstre : il a la tête, le visage, les mains, la
poitrine d’une jeune fille, le reste du corps d’un chien ou d’un lion, la voix
d’un homme, la queue d’un serpent, les ailes d’un oiseau et les griffes d’un
félin. Il se tient sur une colline, juste à l’entrée de Thèbes. Là, il arrête
tous les voyageurs, leur propose une énigme captieuse et dévore ceux qui ne
peuvent la résoudre. Plusieurs milliers d’infortunés ont déjà péri dans cette
aventure. Et pourtant, quoi de plus simple que cette énigme : quel est l’animal qui a le matin quatre pieds, deux à midi,
et trois le soir  ? C’est une question stupide, bien entendu, mais
pernicieuse. Œdipe, chargé d’une stupidité innée, est le seul capable de la comprendre et d’y répondre : « c’est
l’homme qui, dans son enfance, marche à la fois sur ses pieds et sur ses mains,
dans l’âge adulte seulement sur ses deux pieds et, dans sa vieillesse en s’aidant
d’un bâton comme troisième pied ». Le monstre, entendant cette réponse, et
se voyant démasqué dans sa stupidité , ne peut
continuer à vivre : il s’élance du rocher où il se juchait et se brise la
tête au fond de l’abîme.
    De nombreux

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