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Les révoltés de Dieu

Les révoltés de Dieu

Titel: Les révoltés de Dieu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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récits d’origine mythologique font état de la
victoire d’un héros sur un monstre : tel est le cas du Siegfried-Sigurd
germano-scandinave, vainqueur du dragon Fafnir, ou de Tristan sur le « grand
serpent crêté » d’Irlande, sans parler du roi Arthur – aidé par saint
Efflam – qui pourchasse le dragon qui terrorisait la Lieue de Grève, au nord de
la Bretagne armoricaine. Dans chacun de ces récits, on voit le héros franchir
une étape initiatique, acquérir certains pouvoirs magiques ou épouser une
princesse, ce qui est symbolique d’une prise de pouvoir. Mais il faut remarquer
qu’Œdipe ne tue pas le dragon par l’épée : il se contente de néantiser le monstre en le prenant à son propre
piège, comme le fait, dans la légende bretonne, saint Efflam capturant le
dragon – et le captivant – en lui mettant son
étole autour du cou.
    Le monstre éliminé est de nature féminine : c’est la Sphinge , image évidente d’une féminité agressive, dévoreuse,
redoutable. L’interprétation psychanalytique qui en a été faite depuis les
réflexions de Freud ne laisse aucun doute sur ce point : Œdipe est hanté par
l’aspect terrifiant de la femme, en l’occurrence d’une mère phallique et, dans sa rencontre avec la Sphinge , il démystifie complètement cette image de
la mère dévoreuse. Il a vaincu cette fameuse terreur de la vagina dentata , le sexe profond, ce sexe qui saigne
parfois, ce sexe mystérieux et engloutisseur que le peintre Gustave Courbet a
si admirablement représenté dans son célèbre et scandaleux tableau fort
subtilement intitulé « l’Origine du monde ».
    Œdipe est libéré. Du moins, il se croit libéré alors que les
mâchoires du piège infernal que lui ont préparé les dieux se referment sur lui.
Œdipe s’est révolté contre les dieux en fuyant Corinthe, mais il n’en a pas
perdu pour autant la mémoire : il est fils de roi, il veut régner. L’occasion
se présente à lui, et puisqu’il refuse de régner sur Corinthe et qu’un trône
lui est offert en même temps qu’une femme, il régnera sur Thèbes. Son ambition
et son appétit de pouvoir font tomber les dernières barrières qui auraient pu
lui éviter un si tragique destin.
    D’ailleurs, pendant de nombreuses années, après avoir épousé
Jocaste, il est heureux . Il vit dans l’inconscience.
Jocaste a mis au monde quatre enfants, deux fils, Étéocle et Polynice, et deux
filles, Antigone et Ismène. Œdipe est comblé, Jocaste également, et tout se
passe dans la sérénité absolue, dans le meilleur des mondes possible. Mais les
dieux n’ont pas oublié l’affront que leur a infligé Œdipe en fuyant l’oracle. L’illusion
va bientôt se dissiper. Une peste s’abat sur Thèbes, beaucoup plus redoutable
que le Sphinx, car elle n’épargne personne. Bien entendu, on envoie des
messagers consulter l’oracle de Delphes. La réponse est sans ambiguïté : « Cette
calamité ne cessera que le jour où le meurtrier de l’ancien roi Laïos sera
connu et banni de la Béotie. »
    Œdipe ne peut plus reculer. Il est roi et assume toutes les
lourdes responsabilités de sa fonction : « C’est à moi de remonter à
la source du crime, et de produire au grand jour […]. Je vais parler comme
étranger à ce que l’oracle vient de nous apprendre, comme étranger au crime qui
s’est commis, et dont je ne puis découvrir la trace si l’on ne m’en fournit pas
les moyens. Reçu depuis peu de temps au nombre des citoyens de Thèbes, je ne
puis vous secourir que par cet ordre que je vais publier. Quiconque d’entre
vous sait de quelle main a péri Laïos, fils de Labdakos, je l’invite à me le
découvrir sans déguisement. Si celui qui en fut l’assassin craint d’être dénoncé,
qu’il prévienne la dénonciation et s’accuse ; il n’aura rien de fâcheux à
souffrir, et l’exil sera son seul supplice. » ( Œdipe
roi .)
    Après ces bonnes résolutions d’Œdipe et l’intervention du
devin aveugle Tirésias – qui connaît la vérité mais ne la dévoile que par
allusions –, la pire confusion s’installe dans le palais royal de Thèbes. Œdipe,
qui vient d’accuser Tirésias et son beau-frère Créon de comploter contre lui, en
vient à raconter le drame qu’il a vécu en tuant le vieillard rencontré dans une
gorge étroite, près de Delphes : « Près des trois chemins, un héraut
et un homme tel que tu me l’as décrit [Laïos], montés sur un char,

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