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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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tenait à très grand honneur de la tendre en se génuflexant à
Sa Majesté.
    Or il arriva, peu de temps après la libération de Condé, que Monsieur le Comte (l’habitude s’en était prise de l’appeler ainsi, et
bien prise, grâce à son père) se trouvât dans les appartements du roi en même
temps que Monsieur le Prince, sur le coup de onze heures du matin, alors
qu’on dressait la table de Louis pour le dîner. Louis était déjà assis,
témoignant à mon sentiment d’une certaine impatience à prendre sa repue, étant
de retour de chasse. Et c’est alors que surgit ce mémorable incident dont la
Cour, la France et les royaumes amis et ennemis jasèrent pendant un lustre…
    Au moment où Berlinghen allait tendre la serviette du roi à
Monsieur le Prince, le jeune et bouillant comte de Soissons s’avança et dit
d’une voix forte :
    — Monsieur de Berlinghen, c’est à moi que vous devez
donner la serviette pour la remettre à Sa Majesté.
    — À vous ? dit Condé qui n’en croyait pas ses
oreilles. Osez-vous me disputer cet honneur ?
    — Je l’ose, dit Soissons avec hauteur.
    — Et au nom de qui et de quoi ? dit Condé en se
redressant de toute sa taille, laquelle, par malheur, était petite, comparée à
celle de Soissons.
    — En raison du fait que je suis Grand Maître de France,
titre que je tiens de mon père.
    — Ce titre est sans doute honorable, dit Condé, mais il
ne vous donne pas la préséance sur moi qui suis le chef de la branche aînée des
Bourbons-Condé.
    — Il me la donne, dit Soissons.
    — À vous qui appartenez à la branche cadette des
Bourbons-Condé ? Sachez, Monsieur, que le plus grand honneur que vous
puissiez revendiquer en ce royaume est précisément de venir par le sang
immédiatement après moi.
    — Monsieur, dit roidement Soissons, je ne conteste pas
que vous soyez le chef de la branche aînée, mais ma charge de Grand Maître en
ce qui regarde la serviette me donne la préséance sur vous.
    — Et d’où tirez-vous cela, Monsieur ? dit Condé.
Quel est le décret, ou l’usage, ou la tradition qui vous confère ce
privilège ? L’étiquette vous donne tort. Il n’est charge, si haute
soit-elle, qui prévaut sur la naissance et le sang.
    — Je le décrois, dit le comte en serrant les dents.
    — Monsieur, reprit Condé, vu votre jeune âge et notre
proche parenté, je veux bien excuser votre présomption, mais cette dispute, qui
est toute de votre fait, est du dernier ridicule. Inclinez-vous, je vous
prie ; le premier prince du sang a toujours donné la serviette.
    — C’est que personne ne la lui a jamais
contestée !
    — Il est disconvenable de la contester, quand il n’y a
aucun précédent pour soutenir cette prétention.
    — Je la soutiendrai pourtant jusqu’à la mort, dit
Soissons d’une voix que la colère faisait trembler.
    — De quelle mort voulez-vous parler ? dit Condé
avec hauteur. De la mienne ou de la vôtre ?
    — Messieurs, dit alors le roi d’une voix grave, cela,
je pense, va trop loin.
    Un silence suivit ces paroles.
    — En effet, Sire, dit Condé, en se ressaisissant, et
après avoir fait un profond salut à Sa Majesté, il se tourna vers Soissons et
dit : Monsieur, voulez-vous que nous nous en remettions à Sa Majesté du
soin de trancher et de nous dire qui, de vous ou de moi, il choisit pour lui
donner la serviette ?
    — Je le veux aussi, dit Soissons.
    Et ayant à cœur de se montrer aussi courtois que Condé, il
lui fit un petit salut, et à son tour se génuflexa devant le roi.
    Bien que Louis gardât, comme en son ordinaire, une face
imperscrutable, je sentais bien qu’il se trouvait fort embarrassé, tant graves
lui apparurent les conséquences d’un choix. Comme tous ceux qui, à cette heure,
étaient présents dans les appartements du roi, il donnait raison à Condé. Mais
donner tort à Soissons lui paraissait bien délicat. Le comte, et moins encore
sa mère, la comtesse douairière de Soissons, ne lui pardonnerait jamais une
rebuffade, si justifiée qu’elle fût. Or le comte avait d’évidence hérité du
caractère épineux et escalabreux de son père et la comtesse était une tigresse
à donner éternellement des griffes et des dents à quiconque la blessait une
seule petite fois dans ses prétentions.
    — Messieurs, dit Louis à la parfin, en embrassant d’un
seul coup d’œil, le prince et le comte, debout devant lui et tous deux
frémissants de colère, je vous

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