Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
dans le creux de mon épaule et
s’y ococoula, redevenue toute douceur et gentillesse.
    La pique du jour me désommeilla et la nuit ayant effacé la
remembrance de mon voyage, je fus comme étonné, en ouvrant les yeux, de me voir
en la chambre de ma maison d’Orbieu et combien délicieuse fut alors ma surprise
de trouver dans mes bras ma Louison, tendre et tiède en ses longs cheveux,
comme si le Seigneur, profitant de mon endormissement, avait eu la bonté de la
créer pour moi pendant mon sommeil. Je l’envisageai un long moment tandis que
les premiers rayons de l’aube doraient son visage, lequel, les yeux fermés –
ses yeux dont jaillissaient tant de flammes quand elle était encolérée –,
avait à cet instant je ne sais quoi de naïf et d’enfantin qui me serra le cœur.
    Dans notre hâte, la veille, elle n’avait clos ni les
courtines du baldaquin ni les damas des fenêtres, et dès que nous ouvrîmes les
yeux, l’aigre froidure de novembre que nous n’avions eu guère l’occasion
d’éprouver en nos agitations, commença à nous pénétrer. Vive et frisquette, mon
Ève sauta du lit, nue en sa natureté et courut battre le briquet sous les
fagots et les bûches de la cheminée. L’échafaudage avait été bien construit la
veille par le valet, car en moins d’une minute le feu flamba haut et clair et
se mit à danser pour nous en toute amicale chaleur. Louison ajouta encore une
couverture à notre couche, ferma les courtils du baldaquin, sauf du côté du
feu, et revint se blottir contre moi en me priant de la réchauffer.
    Ah ! que j’aime ces longs, intimes et confiants
entretiens au bec à bec sur l’oreiller tandis que ma compagne me fait, quasi à son
insu, de si riches présents rien qu’en pressant son corps suave sur toute la
longueur du mien ! Et comme bien je me ramentois cette causerie-là, bien
qu’elle ne fût que de petite conséquence dans ma vie et dans la sienne !
    — Eh quoi ! Ma Louison ! dis-je avec un
sourire, que m’as-tu dit hier soir ? Que si je persistais à te visiter si
peu souvent, tu aimerais mieux redevenir soubrette en notre hôtel parisien que
demeurer céans ?
    — Oui-da ! Je l’ai dit ! Monsieur le Comte,
et point ne m’en dédis.
    — Mais, as-tu songé que tu y perdrais prou ? De
prime ta charge d’intendante en cette maison, le pouvoir quasi despotique que
tu exerces sur tout le domestique, la compagnie de Monsieur de Saint-Clair qui
est toujours si courtois et je le cite en dernier, bien qu’il ne soit pas le
moindre de tes avantages, ce vertugadin que Franz, en notre hôtel de la rue du
Champ Fleuri, ne tolérerait pas plus d’une minute.
    — Monsieur, que veux dire
« despotique » ?
    — Cela se dit d’un pouvoir absolu.
    — Mais c’est bien le moins qu’il soit despotique, mon
pouvoir sur nos gens ! Sans cela, seraient-ils soumis et zélés comme ils
le sont ? Soyez bien assuré que je ne tolère céans ni paresse, ni
malpropreté, ni impertinence.
    — L’impertinence, tu me la réserves à moi, dis-je,
mi-figue, mi-raisin.
    — Ah ! Monsieur ! dit-elle sans le moindre
sourire, c’est tout différent : vous, je vous aime.
    À quoi je ris à gueule bec.
    — Monsieur, dit-elle en levant les sourcils d’un air
inquiet, ai-je dit quelque sottise ?
    — Point du tout, ma Louison, dis-je, mais une certaine
vérité qu’on n’est pas accoutumé à exprimer ainsi.
    — Quant à la compagnie de Monsieur de Saint-Clair
reprit-elle, certes, c’est un homme très poli et qui ne fuit pas à se donner
peine pour le ménage du domaine. Mais il n’est pas comme vous gai, gaussant et
taquinant. Et cela est allé de mal en pis depuis son grand amourachement pour
Mademoiselle de Peyrolles. Sa conversation est à périr d’ennui.
    — Comment cela ?
    — Il ne parle que d’elle et chante sa beauté à tous
échos. Et pourtant elle est, je vous assure, Monsieur le Comte, une garcelette
bien ordinaire avec des cheveux d’un blond fade et des yeux délavés.
    — D’après ce qu’il m’écrit, elle est d’un blond doré
des plus ravissants avec des yeux bleu azur.
    — C’est tout du même, dit Louison sans battre un cil.
    À quoi je ris.
    — Monsieur, vous vous gaussez encore de moi.
    — Pas du tout.
    Et je baillai à ma petite brunette un petit baiser sur le
bout de son joli nez, mais sans réussir à la pacifier. Déjà en notre hôtel de
la rue du Champ Fleuri, il suffisait que l’un de nous

Weitere Kostenlose Bücher