Les Roses De La Vie
vingt-huit août 1619 à
Francfort, les a déjà dans son escarcelle : son ardent catholicisme lui
assure celles des trois évêques et son oncle Mathias l’ayant fait élire roi de
Bohême en 1617, il est ès qualité Grand Électeur (tout en étant candidat à l’Empire)
et ne peut qu’il ne vote pour lui-même.
Pourtant, dix jours avant ce vote, les Luthériens révoltés
de Prague avaient ôté à Ferdinand sa couronne de roi de Bohême et l’avaient
proposée au Grand Électeur du Palatinat, Frédéric V, le cousin mal aimé de
Madame de Lichtenberg. Toutefois cette révolution ne fut d’aucune conséquence
sur le vote de Francfort, car il allait sans dire que les Grands Électeurs
ayant, en 1617, élu Ferdinand roi de Bohême, ils ne pouvaient révoquer sa
légitimité en raison de la révolte de ses sujets.
Ils n’en ont pas non plus le désir. Le Grand Électeur de
Brandebourg, un Hohenzollern, vient d’étendre considérablement ses États en
achetant les droits de succession de Trêves et du duché de Prusse et il n’est
guère enclin à hasarder ce grand État allemand en pleine croissance dans une
guerre avec les Habsbourg. À Francfort, sachant que Ferdinand va, à coup sûr,
être élu avec les voix ecclésiastiques et la sienne, il vote tout de gob pour
lui.
Le Grand Électeur de Saxe vote aussi pour Ferdinand. Étant,
comme ses sujets, luthérien, il n’est pas enchanté, cela va sans dire, par
l’élévation à l’Empire d’un catholique aussi fanatique que Ferdinand. Mais,
bien que la Bohême soit, comme la Saxe, luthérienne, l’avidité du Grand
Électeur de Saxe l’emporte dans son cœur sur la solidarité religieuse, car il
aimerait s’agrandir aux dépens de la Bohême par une de ces provinces, la
Lusace, qui se trouve être limitrophe de ses États. Et en effet, la Bohême une
fois écrasée à la bataille de la Montagne Blanche, le Grand Électeur de Saxe
s’empare de la Lusace et l’occupe. Mais il va sans dire que, pour que cette
occupation soit un jour légitimée, il y faudra tôt ou tard l’assentiment de
l’empereur auquel, par conséquent, la Saxe se gardera, du moins pour le moment,
de faire la moindre peine.
Quant à Frédéric V, le Grand Électeur du Palatinat, il
est, à vingt-quatre ans, un béjaune encore, étourdi, présomptueux,
influençable. Il est candidat à l’Empire.
C’est folie folliante, comme disaient nos pères. À supposer
même que le Brandebourg et la Saxe votent pour lui, parce qu’il est protestant
(et Dieu sait s’ils en sont loin) et qu’il vote lui-même pour soi, où
prendra-t-il jamais la quatrième voix ? En outre, il ne possède en aucune
manière les qualités de son ambition, étant aussi dénué d’intelligence
politique que de talent militaire, et, faut-il le dire aussi, de vaillance.
Onze jours avant l’élection de l’Empire, les révoltés de
Prague ayant déposé Ferdinand lui ont, comme on l’a vu, offert la couronne de
Bohême et le fol a accepté ce cadeau empoisonné, ne voyant pas plus loin que le
bout de son nez, sans réfléchir le moindrement que ce n’est pas le tout qu’un
royaume vous tombe dans le bec, encore faut-il le conserver, et c’est bien là
le hic, l’empereur ayant cent fois plus d’atouts pour le lui reprendre que
lui-même pour le garder.
Ayant pris possession du royaume de Bohême, Frédéric ne
faillit pas pour autant de se rendre à Francfort dix jours plus tard pour élire
l’empereur. Et là, au lieu de voter pour lui-même, ou tout le moins de
s’abstenir, il suivit avec une étonnante faiblesse le mouvement général et
donna tout de gob sa voix à Ferdinand. Lecteur, vous m’avez bien lu ! Il
avait usurpé son trône et il lui baillait sa voix ! Concession inutile et
sottarde ! Comment Ferdinand aurait-il pu jamais oublier l’irrémissible
écorne que Frédéric lui avait faite en acceptant le sceptre que les Bohémiens
venaient de lui arracher des mains ?
Mais les Habsbourg sont une lourde machine et lente à mettre
en branle… Et les insurgés de Prague ont, le temps d’un soupir, l’heur de
remporter quelques succès, dont le premier fut d’être imités par les Hongrois
qui déchurent eux aussi Ferdinand de son trône et se donnèrent pour roi le
prince de Transylvanie [35] , Bethlen Gábor, qui s’empara en un
tournemain de Presbourg [36] . Le comte de Thurn, inspirateur de
la défenestration de Prague, se joignit à lui et à la tête de leurs
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