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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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m’écriai-je. Qu’a
répondu la pauvrette à cette impudente question ?
    — Elle a rougi de prime, ensuite elle a souri, après
quoi, elle a baissé les yeux.
    — N’est-ce pas joli ?
    — Mon cher Comte, je ne doute pas qu’à ma place, vous
auriez trouvé ces petites mines adorables, toutes niaises qu’elles fussent.
    — Fogacer ! Parler ainsi de la reine !
    — Ramentez-vous, de grâce, comment vous avez parlé du
nonce ! Cela valait bien ceci ! Mais, je vous en prie, ne disputons
pas. L’événement est excessivement heureux ! Que d’ambitions successorales
tuées dans l’œuf ! Que d’intrigues mort-nées, à l’instant où la reine nous
donnera un dauphin !
    Là-dessus, je me levai, fort ému, ma coupe à la main.
Fogacer en fit de même et nous trinquâmes, le cœur léger, au futur héritier du
trône.
    Tout allait donc le mieux du monde chez les Bourbons, mais
point dans ma famille Guise sur laquelle, sur la fin mars 1621, des nuages
s’amoncelèrent. Si bien je me ramentois, ce fut quasiment à la pique du jour
qu’un petit vas-y-dire vint toquer à l’huis de mon appartement du Louvre et
remit pour moi à La Barge un billet signé G, mais dont l’écriture et
l’orthographe, l’une et l’autre fort reconnaissables, étaient de la main maternelle.
     
    « Mon
fieul,
    « Je ne sé à quel sin me voué ! Venez me vouar ce
jour d’hui à deu heur de l’aprédiné ! Charles, Claude et Louise-Marguerite
seron là. Votre povre marrène.
    G. »
     
    « Jour du ciel ! m’apensai-je. Ma terrible famille
Guise réunie au grand complet ! Le duc régnant, la duchesse douairière, le
duc de Chevreuse, la princesse de Conti et moi-même, demi-frère des
précédents ! Mais je me trompe : il manque un Guise à ce conseil
familial. Le cardinal, archevêque de Reims, lequel ne pourra assurément pas
être des nôtres et le pourquoi de cet empêchement, je ne le connais que
trop… »
    En arrivant sur le coup de deux heures chez ma bonne
marraine, j’étais bien assuré de me présenter le premier et d’être reçu par
elle en un affectueux bec à bec et non, comme elle aimait le faire en ces
rencontres de famille, d’une façon quasi royale.
    Son maggiordomo, Monsieur de Réchignevoisin,
m’accueillit sur le seuil. Sa suavité démentait le nom malengroin qu’il portait
et il me dit sotto voce dans le creux de l’oreille : « Madame
la Duchesse sera bien aise de vous voir, Monsieur le Comte. Hier encore, elle a
dit devant moi à Madame de Guercheville combien elle se languissait de
vous. » Tout en parlant de sa voix douce et féminine, si étonnante chez un
homme de sa taille et de sa rotondité, il me prenait le bras qu’il palpait avec
amour tout en me conduisant comme un enfantelet jusqu’au petit salon –
chemin que j’eusse bien, sans lui, suivi seul et même les yeux bandés, tant
souvent je l’avais fait.
    Pétulante et primesautière comme à l’accoutumée, Madame de
Guise, à ma vue, oubliant qui elle était, se leva avec vivacité et vint à moi
me baignant de la lumière de ses yeux pervenche. Et sans me laisser le temps
d’un baisemain, ouvrit grands ses petits bras potelés.
    — Ah ! mon Pierre, s’écria-t-elle, en me serrant
contre sa poitrine pommelante, que je suis donc aise de vous voir ! Vous
êtes le meilleur de tous ! Et je n’ai de vous que des satisfactions. Je
l’ai dit hier encore à Madame de Guercheville.
    Ces satisfactions, à vrai dire, elle ne les avait pas
toutes. Je m’obstinais à ne me point marier et, à défaut de mariage, à me lier
avec une des grandes dames de la Cour, qui m’eût fait, par son rang,
« grand honneur aux yeux de tous ». Mais loin de me ressasser grief,
Madame de Guise me dit à l’oreille à voix basse :
    — Bien que ce fût assurément un très grand péché, mon
Pierre, de vous concevoir hors mariage, je n’arrive pas à m’en repentir (que la
Sainte Vierge me pardonne !) tant je vous trouve de qualités ! Plût
au ciel que mes malheureux fils prissent exemple sur vous, mais ils en sont
loin, bien loin, hélas !
    Là-dessus recommença cette longue litanie de plaintes sur
ses enfants et leurs méfaits passés, présents et à venir que je connaissais si
bien pour les avoir ouïes si souvent. Charles (le duc régnant) et la lionne
avec qui il affectait de prendre ses repas, faillant être mangé lui-même, ce
fol ! Claude (le duc de Chevreuse) et son indigne intrigue avec

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