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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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est que les hostilités recommençant,
Bassompierre n’aurait pu parvenir à La Haye que par mer, ce qui eût été un bien
autre péril.
     
    *
    * *
     
    J’appris peu de temps après que, sur l’intervention discrète
du nonce auprès de l’évêque de Paris, Fogacer avait été nommé chanoine (avec
prébende) du chapitre de Notre-Dame. Je l’invitai à dîner avec moi en mon
appartement du Louvre afin de le féliciter en toute amitié de cet avancement de
sa fortune.
    — Le nonce, dit Fogacer qui me parut attaquer viandes
et vin avec un appétit aiguisé par la dignité que l’Église venait de lui
conférer, eût volontiers demandé au roi de me nommer évêque. Mais, ayant tourné
la chose dans ma cervelle, je me suis réfléchi que n’étant pas un cadet de
grande maison, on m’enverrait au diable de Vauvert dans un évêché aussi crotté
que celui de Luçon et je noulus. Quitter Paris pour vivoter dans le plat pays
et administrer quelques milliers de paysans pauvres, voilà qui me ragoûtait
peu. Je ne dédaigne pas la robe violette assurément, mais mon camail de
chanoine me suffit. À chacun ses péchés. L’un se paonne en vanité, l’autre se
gonfle jusqu’à l’orgueil. Moi, je me plais aux ombres propices, aux propos
secrets, aux explications à mi-mot…
    — Eh bien, dis-je, expliquez-moi, fût-ce à mi-mot,
pourquoi Anne grossit, alors qu’elle est réputée manger si peu ?
    — Comment, dit Fogacer en arquant ses sourcils
diaboliques, vous ne le savez pas, vivant à la Cour quotidiennement et dans
l’entourage du roi ?
    — Nenni, je ne sais rien.
    — Comment ? Vous ne savez rien ? Vous, avec
votre usage du monde et votre intime connaissance du gentil sesso  !
Ne pouvez-vous pas imaginer pourquoi une femme grossit ?
    — Eh quoi ! dis-je béant, Fogacer, allez-vous
m’apprendre…
    — Que l’assiduité de Louis commence à porter ses
fruits. Je devrais dire son fruit.
    — Comment le savez-vous ?
    — Comment l’ignorez-vous ? répliqua Fogacer en
riant. Je vous croyais fort proche du docteur Héroard.
    — Héroard est informé par la femme de chambre de la
reine qui, par devoir, résistant au sommeil, fait le compte, en prêtant l’oreille,
des embrassements royaux et, le lendemain, en fait son rapport à Héroard. Mais
Héroard n’est pas pour cela le médecin de la reine.
    — Cela est vrai !
    — Et vous, de qui tenez-vous la nouvelle ? Du
médecin de la reine ?
    — Point du tout.
    — De qui alors ?
    — Mais du haut dignitaire qui m’emploie.
    — Du nonce ?
    — Et de qui d’autre ?
    — Et lui, comment le sait-il ? A-t-il des
espionnes qui scrutent quotidiennement le petit linge de Sa Majesté la
reine ?
    Fogacer s’esbouffa derechef.
    — C’est bien plus simple que cela. Le nonce a demandé
tout de gob à Sa Majesté la reine ce qu’il en était. Et qui le pouvait mieux
renseigner qu’elle-même ?
    — Quoi ? dis-je, béant. Il a osé ? Mais c’est
une damnable impudence !
    — Mon cher comte, dit Fogacer avec une gravité vraie ou
feinte, je ne saurais trancher. Le mot « impudence » est fort
disconvenable, appliqué au nonce qui est le représentant du pape, lequel pape
est le représentant de Dieu sur terre. Vous voyez à qui vous vous en
prenez ! reprit-il avec un sourire. N’en avez-vous pas honte ?
    — Si fait ! Si fait ! Mais d’un autre côté,
je me demande pourquoi les prêtres qui, par vœu, sont voués au célibat,
s’intéressent si fort à la vie passionnée de leurs ouailles ? Je me
confesse une fois l’an au curé Courtil et vous ne sauriez imaginer les
questions qu’il me pose à ce sujet.
    — Si j’étais à sa place, je vous en poserais un
milliasse de plus, dit Fogacer, tant je serais curieux de savoir ce qui peut
bien vous attirer chez une femme.
    — Monsieur le chanoine, je ne sais si j’aime beaucoup
ce propos.
    — Mais, à la réflexion, moi non plus, dit Fogacer en
baissant la tête avec une componction qui se moquait d’elle-même. Ce soir à
vêpres, je ne manquerai pas de demander pardon à la Vierge Marie d’avoir médit
de ma sœur Ève.
    — Laissons notre sœur Ève ! Revenons au
nonce ! Je serais curieux de savoir comment Son Excellence a articulé sa
question.
    — Je le sais. J’étais là, perdu humblement parmi les
soutanes qui partout le suivent. « Madame, dit-il en s’inclinant, que fait
le dauphin ? »
    —  Incredibile verbum [39]  !

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