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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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qu’elle affectât, en public, de sourire, et
de sourire encore à sa bru, on eût dit que les dents qu’elle montrait alors se
préparaient à la mordre. Rien, en fait, ne l’avait ravie davantage que le
premier échec du roi lors de la nuit de noces : un roi inerte, une reine
infécondée, un royaume sans dauphin, cette situation, si elle se perpétuait, ne
pouvait que bailler sang et vigueur à son dessein secret (mais qui le devint de
moins en moins par la suite), de substituer, sur le trône de France, à ce fils
mal aimé et réputé idiot, égrotant et sans force pour régner, son fils cadet,
Gaston d’Orléans qui, étant de volonté molle et de complexion malléable, eût
redonné à sa mère, par une nouvelle régence, ce pouvoir qu’elle aimait tant et
qu’elle avait si mal exercé.
    Bien que ce fût très difficile de pénétrer, si peu que ce
fût, l’impassibilité de Louis, et tout à fait impossible de lui poser
questions, je ne doute pas qu’il n’ait été bouleversé que la reine eût perdu le
dauphin avant terme. Il ne se passait pas de jour qu’il n’allât la voir,
parfois même deux ou trois fois, alors qu’en ces temps-là, il ne visitait la
reine-mère qu’une fois, et brièvement. Ces quotidiennes attentions, bien
qu’elles fussent assez gauches, car Louis n’était pas grand parleur, et moins
encore avec les femmes, ne laissèrent pas de conforter grandement notre pauvre
Anne. Par malheur, la fortune, à cet instant même, s’acharnait sur son pauvre
cœur et lui préparait de nouveaux chagrins.
    J’ai de bonnes raisons de me ramentevoir le jour où ils
s’abattirent sur elle. Le treize avril 1621, je m’étais présenté à mon heure
coutumière, c’est-à-dire à huit heures, dans les appartements du roi et dès le
seuil, j’avais trouvé le jeune Soupite le doigt sur les lèvres qui me souffla
que Sa Majesté dormait encore et, me tirant par la manche, m’amena dans le
cabinet attenant à la chambre.
    — Monsieur le Comte, me dit-il sotto voce, le
roi a eu, cette nuit, un sommeil terriblement venteux et tracasseux. Tant est
que, l’ayant ouï gémir et crier, au plein de la nuit, j’ai battu le briquet,
allumé ma chandelle et me suis levé pour aller voir ce qu’il en était. Louis
avait les yeux fermés, comme je vis bien à la lueur de ma chandelle. Donc, à
mon sentiment, il dormait et je m’en allais retrouver mon lit quand, tout
soudain, sans ouvrir les yeux le moindre, il dit avec un gémissement :
« Mon Dieu ! Mon Dieu ! J’avais mis tous mes oiseaux derrière le
chevet de mon lit et ils se sont tous envolés ! » Et moi, le voyant
dans son sommeil si malheureux et le visage si crispé, je crus bon de lui
dire : « Sire ! dormez ! Ils sont tous
revenus ! » Il faut croire que le roi m’ouït au travers de son
sommeil, car sa face se requiéta, il se tourna sur le côté et s’endormit pour
de bon.
    Ayant dit, Soupite me regarda, pâle, et les yeux agrandis
par la peur.
    — Monsieur le Comte, reprit-il d’une voix trémulante,
ne croyez-vous pas que c’est le diable qui a parlé par la bouche de mon pauvre
roi ?
    — Erreur, Soupite ! dis-je d’une voix ferme et ce
disant, pour le rasséréner, je le pris aux épaules et le serrai à moi. Quel
diable, Soupite, oserait s’introduire dans le corps du roi très chrétien ?
S’il avait cette audace, tous les anges du ciel viendraient sur l’heure le
bouter hors et le jeter dans les abîmes cul par-dessus tête !
    — Mais alors, reprit Soupite, à demi rassuré, si le
songe n’est pas le fait du diable, n’est-il pas tout du même de fort mauvais
augure ?
    — Nenni, nenni, jeune Soupite, ni homme ni diable ne
peuvent présager l’avenir. Le Seigneur, seul, le peut, puisqu’il le fait. À mon
sentiment, ce rêve est loin de regarder le futur et n’est qu’un chagrineux
retour sur le passé. Les oiseaux que Sa Majesté avait mis au chevet du lit,
c’est-à-dire si proches de lui, représentent son plus cher espoir, qui est
d’avoir un dauphin. Et c’est cet espoir qui s’est envolé.
    — C’est vramy vrai ! dit Soupite, son juvénile
visage s’éclairant. Et comme je suis content de vous avoir conté la chose,
puisque maintenant tout est clair.
    — Il est néanmoins inutile, dis-je, de la raconter à
d’autres. Dieu sait quelles stupides interprétations on irait faire de ce
songe, et si elles revenaient à Louis, juge de sa colère !
    — Je me tairai,

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