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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Conti,
Anne avait été assez effrayée que l’ambassadeur d’Espagne et le roi la vinssent
visiter si matin. Elle avait questionné Soupite qui déclara ne rien savoir,
mais d’une voix si trémulante qu’il la convainquit aussitôt du contraire. Son
trouble fut tel alors que, lorsque le roi la salua, elle chancela en lui
faisant la révérence.
    Se conformant à l’étiquette française, le marquis de Mirabel
se génuflexa devant elle et baisa le bas de sa robe. Toutefois, quand il se
releva, ce fut en espagnol qu’il fit son annonce à laquelle, sachant l’effet
qu’elle allait produire sur une fille aussi aimante, il donna une emphase
dramatique.
    —  Su Majestad, acabo de recivir al
instante cartas de España en las che me dicen che, cierto es, che el rey de
España, el padre de Su Majestad, ha muerto.
    À quoi le cordelier ajouta d’une voix ferme et sonore :
    —  Dios lo ha recivido en su seno.
    La pauvre Anne blêmit en entendant ces mots, se pâma à demi
et se serait peut-être affaissée sur elle-même, si Madame de Luynes et ma
demi-sœur ne l’avaient soutenue. Louis fit alors signe à Madame de Motteville
de lui faire apporter une chaire. La reine une fois assise, on lui fit respirer
des sels et on lui donna de l’air avec un éventail. Elle battit alors des cils
et parvint à ouvrir les yeux, mais la conscience lui revenant avec la vie,
quelque effort qu’elle fît pour retenir ses sanglots, les larmes commencèrent à
couler sur ses joues, grosses comme des pois.
     
    *
    * *
     
    Si bien je me ramentois, c’est une dizaine de jours avant
que ne fût connue la mort du roi d’Espagne que Louis, dans les appartements de
Luynes, et devant tout ce que la Cour comptait de plus considérable, nomma son
favori Connétable de France.
    Je fus béant et ne fus pas assurément le seul à la Cour, où
il y eut, je ne dirais pas des pleurs, mais des grincements de dents et des
grimaces de dégoût à voir hisser au rang de chef souverain des armées (après le
roi) cet oiseleur de petite volée qui en savait moins sur la guerre que le plus
ignare des sergents et si couard, en outre, qu’appelé sur le pré, il ne
faillait pas de prier l’un de ses frères de se battre à sa place.
    Le seul fait que Louis ait pourvu à cette charge, vacante
depuis sept ans, suffisait déjà à me saisir d’un grand étonnement. Car bien je
me ramentevais – et de reste Héroard m’avait dit qu’il avait noté la
remarque dans son Journal – qu’à la mort du dernier titulaire, le duc de
Montmorency, rappelé à Dieu en 1614, Louis, qui avait alors treize ans, avait
dit, avec la dernière vigueur : « Il y a beaucoup qui demanderont
cette charge, mais il ne la faut donner à personne. » Et comme à cet âge
si tendre Louis ne pouvait encore entendre pourquoi les grands pouvoirs d’un
connétable le rendaient dangereux, même au souverain qui l’avait nommé, il faut
bien en conclure qu’il avait ouï son père de son vivant tenir ce propos.
    Et en effet, ce ne fut pas de gaîté de cœur que notre Henri
éleva le duc de Montmorency en 1593 à cette charge immense. Mais elle était
quasiment héréditaire dans cette illustre famille et Henri ne pouvait pas ne
pas la conférer à ce vaillant soldat qui s’était si tôt rallié à lui et l’avait
tant aidé dans la reconquête de son royaume. Ce qui, à la parfin, décida le
Béarnais, fut que le duc avait alors soixante ans et encore qu’il sût bien la
guerre, il n’avait pas non plus beaucoup d’esprit, sans être pour autant
rassotté. Il mourut à quatre-vingts ans et bien que le Concini, qui était déjà
maréchal de France, aspirât violemment à une charge qui eût fait de lui une
sorte de vice-roi, les ministres s’y montrèrent si fortement opposés que Marie
de Médicis noulut passer outre à leur avis et ne le nomma point.
    Toutefois, me dis-je, prenant en mon for la défense de mon
roi, il n’était point du tout absurde, dans le prédicament qui était le nôtre,
de faire revivre cette grande charge, les huguenots, depuis l’affaire du Béarn,
loin de venir à repentance, s’étaient enfoncés si avant dans l’arrogance et la
rébellion, qu’ils tendaient à former un État dans l’État et à dérober à
l’autorité du souverain le tiers de son royaume : dans ces conditions,
nommer un connétable (avec toutes les résonances fortes et victorieuses que ce
nom comportait), c’était une façon de dire à ces rebelles :

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