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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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ministres. Ce que je puis
affirmer, c’est que, tout en la récompensant de la sagesse qu’elle avait
montrée pendant sa campagne de Guyenne (sagesse qui n’était due qu’aux avisés
conseils de Richelieu), il conserva à son égard une certaine défiance et il ne
la convoqua au Conseil que quand rien d’important n’était discuté. C’est ce que
Richelieu exprima avec esprit en disant qu’on lui disait voir « la montre
de la boutique, mais qu’il n’entrait pas dans le magasin ».
    Une fois que la reine-mère eut son siège au Conseil,
Richelieu lui traça la ligne de conduite qu’elle aurait à suivre. Primo, éviter
de contredire les ministres, surtout quand ils étaient unanimes. Secundo, s’ils
ne l’étaient pas, s’accommoder toujours à l’avis d’un d’entre eux, afin de ne
pas paraître isolée. Tertio, tâcher de deviner les sentiments du roi et
les épouser.
    L’extraordinaire, et qui en dit long sur l’emprise du
cardinal sur elle, est que cette reine qu’on avait connue sous la régence
pleine de morgue, si obstinée en ses opinions et si furieuse en ses colères,
suivit cette règle sans du tout en dévier d’une ligne, tant est qu’on l’aurait
pu croire, au long de ces longues séances du Conseil, la plus modeste des
femmes et la plus aimante des mères.
    Ce trente et un janvier, jour qui vit la reine-mère gravir
cet échelon qu’elle croyait si important, et qui l’était si peu, j’avais hâte
que le Conseil finît car je devais me rendre dans la rue du Champ Fleuri dîner
avec mon père et La Surie. J’y trouvai une lettre de Monsieur de Saint-Clair
qui ne laissa pas de me troubler, non que ses belles amours avec Laurena de
Peyrolles se passassent mal, bien le rebours, mais elles montraient simplement
quelque impatience que je vinsse à Orbieu les parfaire par le mariage. Ce dont
j’avais été empêché jusque-là, comme on a vu, par la campagne contre les
huguenots.
    En fait, Monsieur de Saint-Clair, à part cette petite fièvre
d’attente, laquelle était exprimée à mi-mot en les termes les plus délicats, me
mandait une nouvelle qui n’avait rien à voir avec des liens si doux et qui
m’inquiéta fort.
    L’été précédent, dans mon bois de Cornebouc (qui méritait en
vérité le nom de forêt tant ses futaies étaient hautes, étendues et diverses),
deux ou trois de mes manants, à la nuit tombante, avaient aperçu des loups,
mais sans pouvoir en préciser le nombre, car ils n’eurent garde de les
approcher, s’ensauvant tout au contraire à toutes jambes, encore que les loups
ne les poursuivissent pas, se peut parce qu’ils ne chassent que la nuit.
    On ne les avait pas revus depuis. Mais l’hiver était
descendu sur le plat pays avec neige et froidure et les prédateurs, ayant moins
de gibier à se mettre sous l’aigu de leurs dents, s’étaient effrontément
approchés la nuit du seuil des chaumines en poussant des hurlements à la fois
plaintifs et menaçants qui glaçaient mes pauvres manants autant de peur que de
froid derrière leurs fragiles portes.
    À la pique du jour, d’aucuns découvraient leurs chiens de
garde égorgés, leur poulailler dévasté, parfois même s’ils avaient moutons,
deux ou trois agneaux du printemps dépecés et dévorés à la chaude.
    Par une revanche ironique du sort, ce furent les paysans les
plus pauvres qui pâtirent le moins de ces prédations, car ceux-là, faute
d’avoir les pécunes pour construire poulailler et bergerie, logeaient leurs
bêtes dans leurs propres chaumines et quasiment à côté de leurs paillasses,
lesquelles étaient à peine plus décentes que les litières de leurs animaux. Du
moins, la chaumine était bien close et il eût fallu en rompre l’huis pour s’y
introduire.
    Faute de me pouvoir atteindre, car j’étais alors sous les
murs de Montauban, Saint-Clair en appela au lieutenant de louveterie de Montfort
l’Amaury, lequel dépêcha un sergent avec une dizaine de louvetiers montés,
armés de mousquets et suivis d’une meute de gros chiens. Leur arrivée ranima le
cœur de mes manants qui se voyaient déjà tomber sous le croc de ces insatiables
monstres. Certains contes effrayants, remontant de la nuit des âges, couraient
déjà à Orbieu, où il n’était nul qui n’en voulût dire son conte après la messe
ou autour d’un pot au cabaret.
    Cependant, les louvetiers déçurent, car ils faillirent à
faire rien qui valût, non de leur faute, mais du fait qu’à part

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