Les Roses De La Vie
le loup ! Sans
compter que le plus souvent, c’est une bien sotte affaire que de jouer le
couard. Comme disaient si bien nos pères : celui qui fait l’agneau, le
loup le mange.
« Après la bénédiction de Monsieur le Curé, Monsieur de
Saint-Clair vous attendra à la sacristie pour inscrire ceux qui voudront des
armes et vous dire le détail de ce que nous comptons faire. Mes amis, je vous
dis “courage”. Nous viendrons à bout de cette peste !… »
Le curé Séraphin, un sourire finaud éclairant sa face
rougeaude, voulut bien me raccompagner jusqu’au porche de son église.
— Si vous voulez bien me permettre de vous le dire,
Monsieur le Comte, murmura-t-il à mon oreille, vous avez fait là un excellent
prône. J’en ai tout admiré, mais surtout la fin quand vous évoquiez les
vanteries des vaillants après la guerre. C’était fort habile, dit-il d’un air
gourmand.
— Mais tout le mérite ne m’en revient pas, dis-je
vivement. J’ai un modèle, précisément pour cette fin.
— Nous avons tous des modèles, dit Séraphin dont le ton
indiquait qu’il voulait bien m’admettre après ce beau coup en les secrets de sa
confrérie. Pour moi, je n’écris jamais un prêche que je n’en aie épuisé le
sujet et la façon dans l’excellent livre de Monsieur de Luçon.
Décidément, m’apensai-je, Monsieur de Richelieu brille de
cent façons : il illumine la reine-mère, mais il éclaire aussi le prêche
des curés du plat pays.
Quand Monsieur de Saint-Clair eut fini la distribution des
armes (et quasiment tous les manants en voulurent, hormis les barbons et les
mal allants), il vint nous rejoindre dans la librairie du château et nous
tînmes conseil tous les quatre, mon père, La Surie, Saint-Clair et moi.
— Ils ont, dit Saint-Clair, pour la plupart, préféré la
fronde à l’arbalète, ce qui n’est pas merveille, car ils connaissent bien la
fronde pour l’avoir utilisée quand ils étaient de petits galapians pour tuer
les moineaux.
— Et pas seulement les moineaux, les merles aussi, dit
mon père et qui pis est, ajouta-t-il avec un sourire, les pigeons du seigneur
quand ils avaient l’imprudence de s’aller jucher sur le cerisier de leur jardin.
Le plumer, le vider, le découper et le mettre au pot, tout cela en tapinois et
les plumes aussitôt brûlées pour ne laisser aucune trace, voilà qui agrémentait
la soupe de légumes d’un peu de viande, mais aussi des délices du fruit
défendu.
— Il faudrait une bien grosse pierre et un bien habile
frondeur pour abattre un loup, dit La Surie.
— Je ne sais, dit Saint-Clair avec un sourire. Il y a
des précédents : David tua Goliath d’une pierre en plein front. Et si les
frondeurs se mettent à plusieurs, une grêle de pierres sur une meute…
— De toute façon, la possession d’une arme, dit mon
père, fût-elle sommaire, va redonner cœur à vos manants et les intéresser au
combat. C’est là le plus important. Je compte davantage sur les pièges et les
pétards de guerre pour vaincre les loups. En fait, si nous pétardions leurs
tanières, la guerre serait vite finie, mais, ajouta-t-il après un silence, ce
n’est pas là votre intérêt, mon fils, ni l’intérêt bien compris de vos manants.
— Comment l’entendez-vous, Monsieur mon père ?
dis-je, béant.
— Vous allez avoir à votre disposition tant de bras, et
à si peu de frais, et Monsieur de Peyrolles aussi pour débarrasser Cornebouc de
ses fourrés impénétrables que ce serait pitié d’en finir avec la guerre des
loups avant que cette tâche ne soit achevée. Songez que vous aurez alors une
forêt si nette et si propre que le feu, d’ores en avant, ne s’y mettra pas
facilement et que pas un loup n’osera y faire derechef son repaire, faute de
caches et de taillis. Et je ne parle même pas ici des braconniers qui auront
beaucoup plus de mal à poser leurs collets quand le sous-bois sera dénudé…
Cette proposition me parut, à la réflexion, si sensée, que
je l’acceptai aussitôt, mais non sans quelques remords, car je vis bien qu’elle
n’enchantait pas Monsieur de Saint-Clair qui pensait que si nous laissions
traîner la guerre des loups, son mariage serait retardé d’autant. Cependant, il
ne pipa mot, ayant tant à cœur mes intérêts qu’il les avait faits siens dès le
début de son intendance.
C’est ainsi qu’avant que la grande guerre ne commençât, nous
eûmes cette petite guerre que les
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