Les Roses De La Vie
leur
succès de Montauban, s’agitaient de nouveau. L’arrogant Soubise, pour se
revancher d’avoir dû rendre Saint-Jean-d’Angély à son souverain, levait contre
lui une armée, et sur la côte atlantique, lui prenait des places et des villes.
Tant est que Louis se préparait derechef à la guerre.
Il fut dit que le prince de Condé y poussait prou. Sa
poussée, si poussée il y eut, fut tout à plein inutile. C’est une constante
chez Louis, et elle se vérifia tout au long de son règne : il ne put
jamais souffrir qu’Espagnol ou huguenot lui enlevât une ville sans qu’aussitôt
il tirât l’épée et courût à l’ennemi pour la reprendre.
C’est au beau milieu de ces jours pour lui si tracasseux qu’un
malheur lui tomba sus du côté où il l’attendait le moins. Le seize mars, à
trois heures de l’après-dînée, comme Louis sortait du Conseil, on vint lui
apprendre que la reine venait derechef de perdre son fruit. Il l’alla voir
aussitôt.
Couchée et dolente, elle pleurait à grands et amers sanglots
et, assis sur son lit, il fut plus de deux heures à tâcher de la consoler. Mais
hélas, le temps le pressait et il ne pouvait davantage différer son partement
pour la guerre.
Il partit quatre jours plus tard et, chose qui étonna fort,
en tapinois, tout justement comme Henri III quand le duc de Guise
l’assiégeait dans le Louvre. Au lieu de sortir de son palais par la porte des
Bourbons, devant laquelle une grande foule l’attendait pour l’acclamer, Louis
sortit à pied par la grande galerie, passa par les Tuileries, traversa la
rivière de Seine, monta à cheval et rejoignit son armée qui l’attendait aux
portes de Paris.
Je n’avais pu le suivre. J’étais au fond de mon lit de mon
appartement du Louvre avec un mal de gorge et une petite fièvre. Dès que La
Barge m’eut appris le partement du roi, je me tourmentai fort les mérangeoises
pour entendre pourquoi diantre Louis était sorti de sa capitale aussi
secrètement. En fin de compte, je conclus que, connaissant la haine que les
Parisiens portaient aux huguenots, il voulut éviter que la populace, sur son
passage, chantât pouilles aux hérétiques, les vouant à la mort par le fer et le
feu : cris et colères qui eussent donné à son départ l’apparence d’une
croisade, ce dont il ne voulait à aucun prix, ayant dit et redit qu’il ne
faisait pas la guerre à la religion réformée, mais à des sujets rebelles.
Mon père me vint voir le vingt et un sur les neuf heures
après minuit. Il examina ma gorge, prit mon pouls et me dit que si je demeurais
bien clos en ma chambre bien chauffée, me gargarisant avec de l’eau tiède
infusée d’alun, buvant prou et mangeant peu, et des aliments mous qui ne
feraient pas dommage au nœud de mon gargamel, dans trois jours je serais sur
pied. Toutefois, ajouta-t-il avec un petit sourire, si je désirais être mal
allant davantage et plus longtemps, et plus gravement, et sortir aussi de mon
intempérie plus affaibli, je pouvais, si cela me plaisait, me laisser purger,
saigner, mettre à la diète par les médecins de la Cour, lesquels il tenait pour
d’incurables ignares, se peut parce qu’ils n’avaient pas suivi, comme lui-même
et Fogacer, les magistrales leçons du Révérend professeur Rondelet à l’École de
médecine de Montpellier.
— Rondelet, poursuivit-il, recommandait que pour un bon
mal de gorge avec enflure considérable de gargamel, ce qui n’est pas votre cas,
on touchât légèrement lesdites enflures avec une pointe de métal portée au
rouge. Et c’est bien ce que je fis pour le duc d’Épernon, sous
Henri III : curation qui le guérit, mais qui fit dire sotto voce à la Cour, laquelle ne l’aimait pas, tant l’archimignon d’Henri III était
haut, que ces pointes de feu lui avaient donné un avant-goût de l’enfer qui
l’attendait.
Je me sentais déjà mieux quand le marquis de Siorac me quitta,
tant l’alacrité qu’il mettait à vivre était contagieuse. Et bien que je ne sois
pas fort pieux – non point tant par éloignement de Dieu que rebuté par les
excès des Églises tant réformée que catholique – je fis une petite prière
au ciel pour qu’il gardât vif le plus longtemps possible le plus affectionné
des pères.
J’achevai quand mon écuyer La Barge vint me dire qu’on avait
toqué à mon huis et, ouvrant avec les précautions que je savais, il s’était
trouvé confronté à une petite garce de onze à douze
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