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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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ans avec le plus joli
minois du monde et fort proprement vêtue, laquelle, d’une voix douce et
chantante, avait quis de lui de l’introduire auprès de son maître afin de lui
parler au bec à bec.
    — A-t-elle dit son nom ?
    — Nenni, Monsieur le Comte, elle a dit qu’elle ne se
nommerait qu’à vous.
    — La Barge, en ton opinion, cette petite personne
est-elle de qualité ?
    — Assurément, Monsieur le Comte, et elle parle fort
bien.
    — Eh bien, admets-la céans sur sa seule bonne mine.
Nous verrons bien. Je doute, ajoutais-je avec un sourire, qu’elle me veuille
assassiner.
    J’étais alors vêtu de ma robe de chambre fourrée, assis sur
une chaire à bras devant le feu, les Essais de Montaigne sur mes genoux,
à’steure les lisant, à’steure somnolant, mes yeux suivant la danse des flammes.
    La Barge, ouvrant mon huis, laissa passer la visiteuse,
laquelle plongea à ma vue en une révérence à laquelle il n’y avait rien à
reprendre, tant elle y mit de souplesse et de grâce. Je fis signe à La Barge de
se retirer et dès qu’il eut reclos l’huis sur nous, j’envisageai en silence la
garcelette. Petite, elle l’était en effet, et par la taille et par l’âge, mais
bien que son visage fût en effet des plus charmants, l’expression de ses yeux
faisait davantage penser à une femme qu’à une enfant.
    — Mademoiselle, dis-je, puisque nous voilà au bec à
bec, comme vous le désirez, peux-je vous prier de vous nommer ?
    — Je m’appelle Françoise Bertaut, dit-elle avec un
certain air de pompe. Mon père est gentilhomme ordinaire de la Chambre, et ma
mère, née de Bessin de Mathonville, est une des femmes de Sa Majesté la reine.
    J’observai que, son père n’étant pas noble, elle avait pris
soin de préciser que sa mère l’était. Mais alors qu’elle avait pu dire la
fonction de son père auprès du roi, elle était demeurée dans le vague quant à
celle de sa mère auprès de la reine. En fait, m’étant discrètement enquis le
lendemain, j’appris que Madame Bertaut n’en exerçait aucune, tout en étant
admise dans l’entourage de la reine avec faveur, du fait de son caractère
enjoué et de son ascendance espagnole.
    Je ne connaissais pas la mère de la garcelette, mais, en
revanche, mon père avait fort bien connu le sien et mieux encore, le frère de
celui-ci, le poète ronsardisant Jean Bertaut qu’Henri IV avait nommé
évêque de Sées.
    — Eh bien, Mademoiselle, dis-je, qu’avez-vous à me
dire ? Mais de prime, prenez place, là, sur cette escabelle. Vous serez
mieux pour parler.
    Elle s’assit et le torse droit, les mains posées l’une sur
l’autre sur son genou, elle me considéra avec calme de ses grands yeux bleus et
finit par dire, sans que sa voix tremblât le moindre :
    — Monsieur le Comte, j’ai à vous communiquer un secret
de grande conséquence. Mais avant de vous l’impartir, j’aimerais que vous me
donniez votre parole de gentilhomme que vous ne direz jamais à quiconque de qui
vous le tenez.
    Cette phrase me laissa béant, étant si longue et si bien
articulée et si bien prononcée, que je n’eusse pas pensé qu’une fillette de cet
âge ait pu la tirer de son cru, si ses yeux bleus, vifs et pénétrants ne
m’avaient pas déjà donné la meilleure opinion de son esprit.
    — Si je vous entends bien, Mademoiselle, dis-je, je
peux révéler votre secret si je le juge utile, mais non point révéler sa
source.
    — C’est cela même, Monsieur le Comte.
    Je me tus, ne sachant trop que penser. Si cette jeune
messagère me confiait un secret, c’est de toute évidence pour qu’il fût
divulgué, mais à qui et pourquoi ?
    — Mademoiselle, si vous voulez user de moi, il faut
m’en dire davantage. Ce secret, dois-je, par exemple, le dire au roi ?
    — Oui, Monsieur le Comte. À lui et à lui seul.
    — Ce secret le servira-t-il ?
    — Oui, Monsieur le Comte. Il vaut mieux à tous égards
que Sa Majesté sache la vérité.
    — Parce qu’on la lui a cachée ?
    — Oui, Monsieur le Comte.
    — Et le fait qu’on la lui ait cachée pourrait lui être
à l’avenir dommageable ?
    — Oui, Monsieur le Comte. Et davantage encore à la
reine. Si elle n’y veille, ses amies la perdront.
    — Vous le croyez ou d’autres personnes autour de vous
le croient ?
    — Monsieur le Comte, il n’y a pas d’autres personnes.
J’agis seule et de mon propre chef.
    La promptitude et la pertinence de sa réplique me

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