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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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dit Louison.
    — Bah ! Il n’importe !
    — Il m’importe à moi, dit-elle, moi qui prends grand
soin de vous.
    Et tout soudain, deux grosses larmes coulèrent sur ses joues
brunes.
    — Ma Louison, dis-je béant, qu’est cela ? Tu
pleures ?
    — Cela me plaît à moi de pleurer ! Et vous, cela
vous siéra bien de rire, quand vous vous marierez.
    — Pourquoi rirais-je ? Ma Louison, je t’aime de
grande amitié.
    — Monsieur de Saint-Clair n’en aimait pas moins
Jeannette et ce jour d’hui, Monsieur de Saint-Clair, votre belle vêture sur le
dos, rit aux anges et la pauvre Jeannette s’enferme dans sa chambre pour
sangloter son âme.
    — Ah, Louison ! dis-je, va, cours la
consoler ! Toque à son huis ! Somme-la de t’ouvrir. Ne la laisse pas
seule ! Et toi, M’amie, dis-je en la serrant à moi, ne te rends pas
malheureuse par de chagrineuses anticipations. Mon mariage n’est pas pour
demain.
    — Monsieur le Comte, dit-elle en se blottissant contre
moi et en laissant couler ses larmes, assurément, vous avez le cœur donnant et
la main libérale. Vous êtes bon, mais votre bonté n’y change rien. La faute
n’en est pas à vous, ni à moi, mais à mon état. Il est imprimé sur ma peau
comme le lys sur la peau d’un galérien.
    — Que parles-tu de ton état ? Tu t’es haussée bien
au-dessus de lui.
    — Mais point jusqu’à vous et c’est bien là le malheur,
et il faudra que je m’y habitue. Comme dit si bien le proverbe : en
naissant, l’homme pleure au berceau et chaque jour lui dit pourquoi.
     
    *
    * *
     
    Belle lectrice, hélas, vos beaux yeux vont pleurer !
Mais qu’y peux-je ? Le déroulement implacable du temps m’y oblige. Car en
ce début de l’année 1622, je ne peux que je ne vous conte comment, pour le
couple royal, les roses de la vie se fanèrent, le désamour comme un
inguérissable ulcère rongeant peu à peu leur mutuelle tendresse.
    Au début de février, j’appris que Sa Majesté la reine était
derechef enceinte et comme, par deux fois déjà, elle avait perdu son fruit, son
médecin lui avait recommandé les plus grands ménagements. Elle devait se
coucher tôt, s’allonger souvent, ne point marcher longtemps, éviter les
veilles, les efforts, les mouvements brusques. Toutes recommandations que le
roi lui avait répétées, l’enjeu, après de si cruelles déceptions, étant de si
grande conséquence et pour elle, et pour lui, et pour le royaume.
    Louis y avait mis d’autant plus d’insistance qu’il jouait de
malchance avec l’entourage féminin de la reine. Comme on sait, il avait haï et
honni les dames espagnoles, et n’avait eu de cesse qu’il ne les renvoyât. Mais
les amies françaises de son épouse n’étaient pas plus rassurantes. Tout le
rebours. La princesse de Conti et Madame de Luynes menaient aux yeux de tous
des vies dévergognées. Mademoiselle de Verneuil ne valait guère mieux, du moins
en propos, car la conversation dans les appartements de la reine passait les
bornes de la bienséance. De jeunes et beaux seigneurs y participaient,
rivalisant entre eux et devant la reine en propos licencieux. Tout cela était
couvert par un masque de gaîté et de grâce. Mais à la Cour et au-delà même de
la Cour, on ne faillait pas à en jaser.
    Les ministres finirent par s’alarmer et n’osant de prime
s’en ouvrir au roi, prièrent le nonce d’intervenir auprès du confesseur de la
reine afin qu’il tâchât de remontrer à Sa Gracieuse Majesté le danger que lui
faisaient courir ses amies.
    Le nonce était adroit, le confesseur émouvant. La reine
l’ouït, se repentit, versa une larme et le lendemain n’y pensa plus. De reste,
renvoyer ces folâtres amies, c’eût été se préparer une éternelle ennui, car
elle fût demeurée seule entre une belle-mère qui ne lui voulait pas du bien et
un roi qu’elle aimait assurément, mais que la chasse, la guerre et les grandes
affaires du royaume lui enlevaient si souvent. De son côté, Louis hésitait à
porter remède à l’influence pernicieuse de ses amies, car ces dames étaient si
hautes et si bien nées et lui étaient si proches, qu’elles étaient quasiment
intouchables. La princesse de Conti, à la fois Guise et Bourbon, était sa
cousine ; Mademoiselle de Verneuil, sa demi-sœur ; Madame de Luynes,
l’épouse de son favori.
    Il faut dire aussi que le roi avait alors bien d’autres
chattes à fouetter, et combien plus grosses. Les huguenots, grisés par

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