Les Roses De La Vie
Espagnols appellent guérilla et qui est un
harcèlement de tirailleurs à la fois offensif et défensif.
Le produit du débroussaillage aida prou. Je commandai aux
manants d’emporter les épineux qu’ils coupaient et d’en faire des remparts pour
les bergeries et les poulaillers. Je leur fis creuser des petites tranchées de
faible profondeur devant leurs chaumines, le fond étant rempli des mêmes épines
et ils couvrirent ces tranchées par des branchettes fort légères dissimulées
par un petit tapis de mousse et d’herbe.
Avec tout le bois mort que nos coupeurs avaient trouvé sous
le taillis vivant, je fis bâtir, à la lisière de Cornebouc, et à bonne distance
des arbres, de grands bûchers auxquels, au crépuscule et à condition que le
vent ne soufflât point dans le mauvais sens, je fis mettre le feu. J’ordonnai
au cabaretier de fermer son cabaret dès que la nuit tombait afin qu’aucun amant
de la dive bouteille ne se fît surprendre, la nuit venue, sur les voies. Et
vers les petites heures après minuit, mes Suisses, montés sur leurs grands
chevaux et la torche au poing, faisaient le tour des écarts, sans espoir de
surprendre jamais un loup, mais dans le dessein de les effrayer par les flammes
et le bruit, et de rassurer en même temps les manants par le tapage de leur
chevauchée.
Après ces mesures, les prédations diminuèrent en nombre sans
toutefois cesser. Aucun loup ne se prit jamais dans aucun piège et aucune
pierre n’atteignit jamais son but pour la raison qu’elles furent lancées au
mieux au crépuscule et que les loups apparaissaient et disparaissaient avec une
rapidité surprenante. Un trait d’arbalète tiré par un manant du haut de la
fenêtre de son grenier à foin sur une bête isolée qu’il avait aperçue au frais
du petit matin, la lune apparaissant de derrière un nuage, fut assez heureux
pour briser une patte à l’animal. Comme il avait disparu au matin, personne ne
crut dans le village à l’exploit du tireur jusqu’à ce qu’on retrouvât, deux
jours plus tard, à la lisière de Cornebouc, un loup aux trois quarts dévoré et
dont la patte arrière droite gardait encore le carreau qui, en l’estropiant,
l’avait désigné comme une proie à ses congénères affamés.
La partie de Cornebouc qui appartenait à Monsieur de
Peyrolles et qui était le dixième de la mienne fut, en raison de ses faibles
proportions, nettoyée plus vite que ne put l’être la nôtre, et dès que la place
fut nette de tout fourré, Monsieur de Peyrolles attendit une nuit plus claire
et un vent qui leur soufflât dans le nez, afin que ses hommes ne fussent pas
trahis, et les posta à l’affût avec des mousquets et des armes. Mais l’attente
fut vaine. Aucun loup n’osa se risquer dans un espace aussi nu. Cela me donna
bon espoir que le jour où mon débroussaillage serait fini, les loups s’en
iraient d’eux-mêmes de ces terres pour eux si peu propices à la chasse.
Cependant, le jour venu, je noulus en prendre la gageure et, désirant aussi
frapper un grand coup et donner à mes manants la satisfaction d’assister à une
grande victoire, salaire de leurs peines, j’appelai ma petite armée de
frondeurs et d’arbalétriers, encadrée par mes Suisses, à se rendre au ravin
dans le talus duquel les louvetiers de Montfort avaient reconnu les ouvertures
des tanières et là, j’employai les pétards que le marquis de Siorac avait
apportés de Paris.
Ces pétards n’étaient pas de ces jouets d’enfants qui font,
sans nuisance, beaucoup de noise, mais de vrais pétards de guerre, ceux que
dans un siège on emploie pour rompre le portail des villes assiégées, à
condition, bien entendu, de les pouvoir approcher malgré le feu des
assaillants.
La mèche allumée, je fis porter les miens par des perches,
au plus profond des tanières et, faisant éloigner à bonne distance tous ceux
qui se trouvaient là, j’attendis l’explosion de la poudre qui, quand elle
survint, fit autant de bruit que plusieurs tonnerres avec de grands
jaillissements de sable et de fumée.
Ce spectacle ébaudit fort mes gens qui, après un moment de
silence, éclatèrent eux aussi, mais en clameurs de triomphe à la pensée que
leurs persécuteurs étaient à jamais enterrés. D’aucuns même voulurent quérir
des pelles pour se donner le plaisir de dégager les corps dont la fourrure ou
les têtes eussent fait des trophées mémorables. Mais haussant la voix, je leur
défendis avec force
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