Les Roses De La Vie
ménageant le prince du sang. Et
quand Lesdiguières revint de son Dauphiné, Louis trouva, en effet, cette
solution qui, quoique fort simple, fut d’une ingéniosité confondante. Combien
que Louis fût assurément l’homme le plus sérieux du monde, j’y trouvai même
quelque drôlerie. En l’absence de Lesdiguières, Condé eut quand même le temps
de faire quelques sottises que d’aucuns de nos gentilshommes, par malheur,
payèrent de leur vie. La défense de Montpellier comportait au nord-est une
possession que la stratégie commandait d’occuper. Elle s’appelait la Butte
Saint-Denis et donnait des vues sur la ville. Pressé par ses officiers, Condé
l’occupa, en effet, mais dans son incurable arrogance et son mépris de
l’adversaire, il ne l’occupa pas en force, tant est que l’ennemi, le lendemain,
s’apercevant de cette faiblesse, lança une violente contre-attaque contre la
Butte et la reprit, non sans que nous subîmes de lourdes pertes.
Ce n’était pas faute de réunir les chefs de l’armée et de
confabuler avec eux. Le souffreteux Condé écoutait leurs propositions, l’œil
altier et la face imperscrutable. Tous convenaient qu’il faudrait prendre
d’assaut deux bastions de la défense appelés respectivement la Blanquerie et
les Tuileries. Condé, tout en paraissant les ouïr, ne pensait en fait qu’au
maréchal de Créquy, le fils de Lesdiguières, dont on annonçait l’arrivée pour
le lendemain. Cette pensée le raidissait et désireux d’affirmer, pendant qu’il
était temps encore, sa prééminence, il dit avec hauteur : « Nenni,
nenni, Messieurs, il suffira d’attaquer cette demi-lune entre les deux
bastions. » On attaqua donc la demi-lune et comme elle était sous le feu
croisé des deux bastions, on perdit ainsi beaucoup de monde sans réussir à y
prendre pied.
Le duc de Rohan qui défendait Montpellier ne pensait, quant
à lui, qu’à s’assurer en traitant à d’aussi bonnes conditions que La Force et
Châtillon, mais il ne se pressait pas, les échecs de l’armée royale faisant
monter les enchères. Fort des deux défaites de Condé, les députés de
Montpellier eurent l’effronterie, ayant demandé audience, de venir dire au roi
les conditions auxquelles ils consentiraient à composer. Le roi les reçut fort
mal.
— Messieurs, dit-il d’une voix sèche, allez dire à ceux
de la ville que je donne des capitulations à mes sujets, mais que je n’en
reçois pas d’eux.
Là-dessus, Lesdiguières revint du Dauphiné. Il amenait six
régiments et comme un bonheur ne vient jamais seul, le lendemain le duc
d’Angoulême en amenait autant de Champagne tandis que notre arrière-garde, à la
parfin, nous rejoignait. Lesdiguières et ses considérables renforts nous firent
autant de bien que son entrevoie le lendemain avec le roi fit de mal à Condé.
— Mon cousin, lui dit Louis en le prenant
affectueusement par le bras et en se promenant avec lui dans la pièce, je tiens
à vous mettre le premier au courant de ce que j’ai décidé. Le connétable
donnera les ordres à toute l’armée, tandis que vous-même, mon cousin, vous ne
les recevrez que de ma bouche…
Condé remercia, se génuflexa et se retira. Il était trop fin
pour ne pas entendre que des ordres de la bouche du roi, il n’en recevrait pas
beaucoup. Le Conseil, le huit octobre, ajouta à sa colère en décidant, à une
large majorité, de traiter avec Montpellier. Le lendemain, reçu de nouveau par
le roi, Condé plaida avec fougue pour la continuation de la guerre. Pénétré par
l’ambition d’une nouvelle croisade, il aspirait à l’éradication complète des
huguenots.
— Mon cousin, dit Louis, il n’en faut plus parler. Nous
aurons la paix. Je l’ai ainsi résolu.
— Sire, dit Condé, peux-je vous demander mon
congé ? Je désire me rendre en pèlerinage à Notre-Dame-de-Lorette.
— Mon cousin, je le veux bien, dit le roi.
Et lui ayant donné une forte brassée et l’ayant baisé sur
les deux joues, il le laissa partir.
La paix de Montpellier confirma l’édit de Nantes. La liberté
de conscience et du culte fut partout maintenue ou rétablie. Mais les
protestants perdaient quatre-vingts places de sûreté. Monsieur de Rohan reçut
le gouvernement de Nîmes, Castres et Uzès dont les fortifications toutefois
devaient être aux deux tiers démantelées. Il reçut, en outre, une pension de
soixante mille écus…
Si j’avais été alors un huguenot de
Weitere Kostenlose Bücher