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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Majesté que Richelieu,
du temps où il était apparemment la créature de Concini, avait offert, par le
canal de son beau-frère, Pont du Courlay, de renseigner le roi sur
« toutes affaires venant à sa connaissance ». Cette offre de double
jeu, si opportunément rappelée par Luynes et Déagéant, adoucit Louis qui, après
le coup d’État, loin d’abattre sa foudre sur Richelieu, lui permit alors
d’accompagner la reine-mère à Blois et de l’éclairer de ses bons avis.
    Déagéant alla plus loin. Il prit à part le prélat avant son
partement et obtint de lui la promesse d’échanger avec lui des lettres
chiffrées par lesquelles Richelieu l’instruirait des intrigues qui se
pourraient nouer autour de la reine déchue contre le pouvoir royal. Comme le
mobile de Déagéant pour pousser maintenant Richelieu dans la disgrâce
m’échappait, je voulus en avoir le cœur net et, croisant l’intendant sur le
grand degré du Louvre, je me permis de l’accoster, le lieu me paraissant
propice, étant à cette heure-là désert. Je lui demandai la raison de cette
mesure, à vue de nez si surprenante. Déagéant était alors non pas au faîte de
la puissance qu’il ambitionnait, mais néanmoins fort proche, attendant
fébrilement, comme j’ai dit, que le président Jeannin mourût pour chausser ses
bottes de surintendant et devenir secrétaire d’État aux Finances, ce qui eût
fait de lui, plus même que les Sillery (le père, à la chancellerie, le fils
Puisieux, aux Affaires étrangères), le ministre le plus écouté du Conseil. Et
peut-être avait-il la faiblesse de ne cacher point assez que c’était là son
aspiration véritable, car il me répondit, à ma grande surprise, tout à plein à
la franche marguerite, exprimant brutalement l’affaire comme il la voyait, et
sans ménager rien ni personne.
    — Richelieu, dit-il, prétend modérer la reine-mère et
travailler à la réconciliation du fils et de la mère. S’il y parvient, elle
reviendra à Paris. En fait, ce n’est point pour elle que Richelieu travaille,
c’est pour lui-même. Car une fois parvenu au Louvre dans les bagages de la
Médicis, elle le fera rentrer au Conseil et une fois dans la place, comme ce
diable-là a beaucoup d’esprit, de ruse et d’ambition, il voudra tout régenter.
C’est pourquoi, je vous le dis sans fard, poursuivit-il d’un air irrité, je
me perdrai plutôt que de permettre que la reine-mère revienne auprès du roi [14]  !…
    Je regardai le petit homme tandis qu’avec emportement il
parlait ainsi. Il avait la face carrée, le teint bilieux, le cheveu ras, l’œil
noir perçant et le ton péremptoire. Et la vérité m’apparut alors en toute
clarté. Peut chalait à Déagéant le retour de Marie de Médicis à Paris. Ce qu’il
redoutait avant tout, c’était la présence de Richelieu au Conseil, car il
voyait en lui un rival assez puissant pour réduire à rien ses propres ambitions.
    En réfléchissant plus tard à cet entretien que j’eus avec
lui sur le grand degré du Louvre, je ressentis un peu moins de considération
pour Déagéant que par le passé, car il me parut, en cette affaire, trop
resserré en la propre vue de soi-même, et plus soucieux de ce qui pouvait nuire
à son avancement qu’à ce qui pouvait être utile au royaume et au roi. Je ne
pensais pas du tout quant à moi que ce fût l’intérêt de l’État d’ôter Richelieu
à la reine-mère, car il avait toujours tâché à mettre un peu de plomb dans
cette cervelle creuse, favorisant bien au rebours les lents et sûrs chemins de
la diplomatie et non les foucades et les braveries. Richelieu parti, Marie de
Médicis ne pouvait que tomber dans les mains des Chanteloube et des Ruccellaï,
petites gens de son entourage agités et aventureux, ou pis encore, dans les
mains des Grands que la faveur de Luynes commençait à exaspérer, et parmi
lesquels on comptait le duc d’Épernon, le duc de Bellegarde, le duc de Rohan,
et le propre beau-frère du favori : Monsieur de Montbazon, personnages
importants qui n’attendaient qu’une occasion pour former un parti des
mécontents, lequel se pourrait muer un jour en parti des rebelles ayant la
reine-mère à sa tête. Je m’ouvris de ces craintes-là à mon père et il ne laissa
pas de me donner raison.
    — Vous verrez, me dit-il, qu’un beau matin, nous aurons
une guerre de la mère et du fils. Louis n’en a pas encore fini avec cette
brouillonne-là !
     
    *
    *

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