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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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jamais appris à ce roturier les manières et les civilités. Son
apparence était rogue, sa conduite arrogante, ses manières abruptes, son
langage violent et il se fit tant d’ennemis au Conseil qu’en août 1619, il fut
contraint de se retirer. Cependant, Louis, qui avait un grand sens de la
justice, voulut amortir sa chute. Il le nomma premier président de la Chambre
des comptes du Dauphiné et lui conserva sa vie durant les appointements qu’il
avait reçus à Paris en tant qu’intendant des Finances. C’est ainsi qu’après
s’être approché si près de la haute destinée qui eût pu être la sienne, le
pauvre Déagéant partit s’établir en province dans un emploi certes fort honorable
et fort bien payé, mais très en dessous de ses capacités.
    Avant sa disgrâce dorée, il avait rendu les plus grands
services à Luynes. Un oiseleur peut être habile à capturer et dresser les
oiseaux et pousser même l’adresse jusqu’à capter l’affection d’un petit roi
brimé par une mauvaise mère, sans avoir pour autant l’esprit qu’il faut pour
prendre au piège le savoir, l’expérience et la finesse d’un politique. Tel
était le cas du favori qui figura, certes, au Conseil des affaires, mais sans
jamais être nommé par le roi secrétaire d’État, ni avoir dans les réunions
dudit Conseil une voix prépondérante, les décisions les plus importantes du
règne étant prises en dehors de lui, ou même assez souvent contre ses avis.
C’est pourquoi je tiens que tout ce que j’ai pu ouïr ou lire sur « le
gouvernement de Luynes » ou même la « royauté de Luynes » n’est
que babillage et billes vezées.
    Il est vrai, toutefois, que fort conscient de son abyssale
ignorance, Luynes, afin de se maintenir la tête hors de l’eau, tâchait de
s’informer auprès de personnes capables, afin de jouer un rôle dans les
décisions qui étaient prises, ou tout le moins d’en avoir l’air. Déagéant,
d’avril 1617 à fin août 1619 (date de son départ pour le Dauphiné), fut son
conseiller le plus écouté. Mais Luynes en eut d’autres, et parmi eux il est
fort surprenant de trouver le nonce pontifical. Je le sus par Fogacer, qui
nageait dans ces eaux-là et ne fut pas mécontent de me le faire savoir, se peut
parce que n’ignorant pas ma position auprès du roi, il désirait se rapprocher
du pouvoir. Je ne faillis pas avant toute chose à m’en ouvrir à mon père. Il
fut béant.
    — Quoi ? me dit-il, un membre du Conseil de France
et qui plus est le favori du roi, se faire instruire par l’ambassadeur d’une puissance
étrangère ! C’est à faire pleurer les anges ! Luynes sait-il
seulement que le Vatican a une politique qui dans bien des cas s’oppose, ou
s’est opposée à celle de la France ?
    — C’est douteux, dis-je. Le nonce, d’après Fogacer, a
trouvé Luynes fort ignorant, sans aucune maxime de gouvernement, naïf même et
avalant tout sans critique. À votre sentiment, Monsieur mon père, dois-je
informer le roi de la démarche de Luynes ?
    Là-dessus, mon père réfléchit un instant et me dit :
    — Non, n’en faites rien. En relayant ces informations,
vous ferez peut-être du bien à Fogacer. Vous ne vous en ferez pas à vous-même.
Ne mettez pas le doigt dans ce pâté-là. Il est trop chaud. Luynes n’a pas
vraiment une influence politique, mais il a celle qu’aurait une reine (je le
dis sans sous-entendu aucun) sur un souverain très épris. C’est-à-dire qu’il
dispose presque à son gré des faveurs, des pensions, des grâces et des
disgrâces. Voudriez-vous avoir Luynes pour ennemi ?
    Cette phrase de mon père sur les grâces et les disgrâces
dispensées par Luynes me revint à la remembrance quand j’appris le sept avril
1618 que Richelieu, chef du Conseil de la reine-mère, en sa retraite de Blois,
avait dû s’exiler en Avignon, terre papale, sur l’ordre de Sa Majesté. Je ne
tardais pas à apprendre que c’était Luynes, conseillé par Déagéant (l’heure de
sa chute dorée n’avait pas encore sonné), qui avait poussé le roi à prendre
cette mesure.
    J’en fus étonné car un an plus tôt au moment du coup d’État
du vingt-quatre avril, ce fut ce même Luynes, conseillé par ce même Déagéant,
qui avait sauvé la mise de l’évêque de Luçon, à qui le roi gardait une fort
mauvaise dent d’avoir été nommé ministre par l’aventurier que Vitry venait
d’exécuter. Luynes avait fort opportunément rappelé à Sa

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