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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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mesure que je traduisais, je ne laissais pas de voir que Don Fernando
rougissait d’appréhension et de colère.
    — Excellence, dit-il enfin d’une voix qui frémissait de
l’ire qui bouillait en lui, ai-je bien entendu que Sa Majesté Louis XIII
entend limiter à l’avenir la faculté qu’avait jusque-là l’ambassadeur de France
à Madrid de visiter librement la princesse des Asturies, faculté qui lui avait
été reconnue par le contrat de mariage signé par mon maître Philippe III
et la régente, mère de votre roi.
    — Vous m’avez bien entendu, Excellence, dit Monsieur de
Bonneuil de sa voix la plus aimable.
    — Est-ce que cela veut dire, Excellence, dit Fernando
d’une voix vibrante de fureur contenue, que l’ambassadeur de Philippe III
à Paris – moi, en l’occurrence – (ce « moi » me parut
dépourvu de toute humilité), sera désormais tenu aux mêmes formalités, quand il
voudra visiter la reine de France en ses appartements ?
    — Il me semble, Excellence, dit Monsieur de Bonneuil,
qu’il serait tout à fait logique et équitable qu’il en soit ainsi.
    — Mais Excellence, dit Fernando avec feu, c’est une
flagrante violation du contrat de mariage !
    — Ce n’en est tout au plus qu’un aménagement mineur,
Excellence, dit Monsieur de Bonneuil.
    — Mineur ! s’écria Don Fernando qui en oublia
cette fois de donner de l’« Excellence » à Monsieur de Bonneuil.
Pardonnez-moi, mais il n’est pas du tout mineur, car il veut dire que je ne
suis plus maggiordomo de la maison de la reine, et que je devrai
m’adresser à vous pour visiter Sa Gracieuse Majesté au lieu d’avoir mes libres
entrées chez Elle, comme l’avait mon prédécesseur, le duc de Monteleone.
    J’observais alors que Don Fernando parlait beaucoup mieux le
français qu’il ne l’avait de prime laissé paraître, puisqu’entraîné par
l’indignation qui l’animait, il s’était passé tout à trac de mes traductions.
    — Excellence, dit Monsieur de Bonneuil d’un ton tout à
fait innocent, il est hautement improbable que les permissions que vous
demanderez vous soient jamais refusées.
    — Mais elles ne me seront pas données ipso facto, selon
un droit qui m’est reconnu par contrat, comme ambassadeur d’Espagne. Je le
répète : c’est là une violation flagrante dudit contrat de mariage.
    — Excellence, dit Monsieur de Bonneuil, parlant
toujours avec la même inaltérable douceur, plaise à vous de considérer que le
roi mon maître était encore un enfant quand ce contrat fut signé par sa mère,
sans qu’il fut consulté le moindre. Mais depuis qu’il n’est plus tenu en
lisière par elle, et jouit d’une pleine et entière souveraineté, il a trouvé
que le droit reconnu par ledit contrat aux deux ambassadeurs, celui d’Espagne
en France et celui de France en Espagne, d’avoir leurs entrées libres chez la
princesse originaire de leurs pays respectifs, ce droit-là était exorbitant et
entaché comme d’abus. Il a donc pris la décision de révoquer cet article.
    — Mais avant de ce faire, s’écria Don Fernando, il
aurait dû de prime en discuter avec le roi mon maître.
    En quoi je ne trouvais pas que Don Fernando eût tout à fait
tort, et j’observais que Monsieur de Bonneuil devait partager là-dessus mon
opinion, car il battit du cil en oyant ce propos. Néanmoins, il réagit
là-contre comme c’était son devoir et dit avec la plus grande fermeté :
    — Le roi mon maître, Excellence, est souverain dans les
décisions qu’il prend, en particulier en ce qui concerne sa propre épouse.
    Don Fernando eut alors une petite moue qui, traduite en
langage clair, voulait probablement dire : « … Sa propre épouse qui
est si peu sa femme. » Mais étant, malgré sa hauteur, un homme bien plus
maître de soi que Monteleone, il se contenta de déclarer :
    — Excellence, j’observe que quasiment dans les premiers
jours de mon ambassade en France, un droit garanti par le contrat de mariage
m’est retiré, en violation dudit contrat. Je considère que ce disconvenable
procédé nuit gravement aux intérêts de mon maître et blesse mon propre honneur.
Dès ce jour d’hui je vais en écrire au roi en le priant de me rappeler à
Madrid.
    — Excellence, dit vivement Monsieur de Bonneuil, Sa
Majesté serait désolée que Votre Excellence prenne ainsi la mouche.
    — Qu’est-ce que cela veut dire ? s’écria Don Fernando
en s’empourprant. Qu’elle

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