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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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est cette mouche ? Et pourquoi la
prendrais-je ? Vais-je, au surplus, tolérer d’être personnellement
offensé ?
    — Mais il n’y a pas d’offense ! s’écria Monsieur
de Bonneuil en levant les deux mains au ciel. Comte, de grâce, traduisez !
    — Excellence, dis-je en espagnol, l’expression
« prendre la mouche » est tout à fait anodine. Elle veut seulement
dire : se sentir offensé.
    Toutefois, cette correction n’arrangea qu’en partie les
choses car, à tâcher de lire sur la face encolérée de Don Fernando, il
m’apparut que si sa dignité d’ambassadeur n’était plus blessée par ladite
mouche, en revanche, il n’acceptait pas d’un cœur léger d’avoir ignoré le rôle
qu’elle jouait dans notre langue – laquelle il se paonnait, non sans raison,
de bien connaître.
    — Néanmoins, dit-il en se levant, ma décision est
prise. Je vous demande la permission de me retirer. J’écrirai dès meshui au roi
mon maître pour demander mon rappel.
    — Excellence ! s’écria Monsieur de Bonneuil,
plaise à Votre Excellence de se rasseoir et de me faire la grâce d’attendre le
temps qu’il faudra pour que j’envoie quérir Monsieur de Luynes. Étant le
confident et le favori du roi, il vous dira mieux que moi le pourquoi de la
mesure que Sa Majesté vient de prendre et ce que nous pouvons en attendre
d’heureux pour nos deux couronnes.
    À cela Don Fernando, debout, majestueux et la face fermée,
ne dit ni mot ni miette. Mais à bien observer sa physionomie en apparence
imperscrutable, je devinai que son désir d’en apprendre davantage sur les
intentions du roi de France auprès de qui on l’avait dépêché – ce qui
était, après tout, l’alpha et l’oméga de sa mission – allait l’emporter
sur son indignation. Et en effet, au bout d’un moment, qu’il prolongea
peut-être pour marquer avec plus de force sa désapprobation, il se rassit.
    — Page, dit Monsieur de Bonneuil, cours quérir Monsieur
de Luynes !
    Le petit page voleta à travers le cabinet aux livres avec la
légèreté d’un oiseau et disparut, laissant seuls les deux diplomates qui assis,
l’un en face de l’autre, se regardaient en chiens de faïence. Je m’apensai avec
amusement à quel point cette comparaison, s’il ne la connaissait pas, pourrait
fâcher Don Fernando. Après la mouche, les chiens ! On haïrait les Français
à moins !
    Monsieur de Luynes enfin parut, fort beau et fort bien vêtu
en un pourpoint de satin gris perle, et déversa aussitôt sur Don Fernando, avec
cet accent provençal qui donnait tant de rondeur et de saveur à ses moindres
propos, un déluge de civilités auquel l’ambassadeur, étonné de trouver tant de
bonne grâce chez un personnage aussi puissant, ne laissa pas d’être sensible.
Après quoi, Monsieur de Bonneuil l’ayant mis en peu de mots au fait de ce qui
s’était passé, Monsieur de Luynes entreprit d’apaiser le courroux de l’ambassadeur.
    — Il est bien vrai, Excellence, que la mesure décidée
par Sa Majesté viole un article du contrat de mariage et qu’il est dommage, en
effet, que Philippe III n’ait pas été consulté avant sa promulgation.
Mais, considérez toutefois, Excellence, que ledit contrat n’a pas laissé d’être
déjà violé, au moins une fois. Vous vous ramentevez sans doute, Excellence, que
d’après le contrat, chacune des deux reines, Anne d’Autriche et Élisabeth de
France, devait recevoir une suite de trente dames de son pays. Article qui fut
observé à la lettre de notre côté, mais point du vôtre, puisque vos dames
espagnoles furent au nombre de cent, ce qui ne laissa pas de poser, à ce
moment-là, et plus tard, de très embarrassants problèmes à la Cour de France.
Mais le passé est le passé. De grâce, n’y revenons pas ! Quant à la
décision concernant les ambassadeurs, elle fait partie des mesures prises par
le roi pour se rapprocher de la reine. Intention si louable, je dirais même si
« sainte », que tous les moyens pour y parvenir ne peuvent être tenus
pour mauvais. Le roi, comme vous savez. Excellence (Don Fernando me parut alors
redoubler d’attention), a un caractère très entier. Et ce n’est un secret pour
personne que l’entourage de la reine lui a inspiré de l’éloignement pour ne pas
dire plus – éloignement dont la reine a pâti. C’est pourquoi le roi a
demandé le renvoi des dames espagnoles ainsi que le renvoi de votre
prédécesseur et c’est

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