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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Comte. Il regardait, et
de très près, muet et attentif.
    — Et cela ne gênait pas les épousés ?
    — Point du tout. Ils étaient tout à leur affaire.
    — Et leur affaire dura la nuit ?
    — De la minuit à la pique du jour.
    — Raison pour laquelle tu ne fermas pas l’œil ?
    — Allais-je m’ensommeiller en présence du roi ? En
outre, étant sans expérience, je trouvais beaucoup d’intérêt aux façons de
faire du duc d’Elbeuf.
    — Les épousés parlaient-ils ?
    — Point du tout. Rien que des murmures, des soupirs et
des cris.
    — Et le roi ?
    — Je vous l’ai dit, Monsieur le Comte. Il regardait. Et
pour sa plus grande chance, de plus près que moi, puisqu’il était sur le lit.
    — Oui, mais comment regardait-il ?
    — Monsieur le Comte, vous voulez dire de quel
air ?
    — Oui-da !
    — Eh bien, dit Berlinghen après avoir réfléchi un
petit, d’un certain air.
    — Avec émeuvement ?
    — Non point. Alors comment ?
    — Je dirais qu’il regardait d’un air sérieux et
appliqué. Je lui ai vu cet air-là que je dis à Lesigny-en-Brie, alors qu’il observait
un maçon façonner un essieu au rabot afin qu’il pût entrer en forçant quelque
peu, mais point trop, dans le moyeu d’une roue. Vous n’ignorez pas, Monsieur le
Comte, que chaque fois que Louis voit des ouvriers mécaniques à l’œuvre, il
s’arrête, il les observe longuement et il essaie ensuite de les imiter.
    — Oui, je sais. C’est ainsi qu’il a appris tant de
métiers. Donc, il avait cet air-là, couché sur le lit des épousés.
    — Il n’était pas que couché, Monsieur le Comte. Il
tournait tout autour du lit pour mieux voir ce qui s’y passait.
    — Mais point de parole, ni de lui, ni du couple ?
    — Nenni ! Sauf à la fin ! Une seule et fort
mémorable, et devinez qui l’a prononcée ?
    — Nenni, je ne saurais deviner.
    — Mademoiselle de Vendôme.
    — Après ce que tu viens de décrire, tu ferais mieux de
l’appeler la duchesse d’Elbeuf. Eh bien, parle ! Que dit-elle et à
qui ?
    — Au roi. Elle se tourna vers lui, et avec un sourire
fort gracieux, quoique un peu las, elle lui dit : « Sire, faites,
vous aussi, la même chose avec la reine et bien vous ferez » [25] .
    Il avait fallu que le garcelet n’eût pas encore tout à plein
sailli de son ivrogneté pour me conter l’affaire. Il est vrai qu’il me savait
adamantinement fidèle à Sa Majesté et avait toute fiance en moi. Il est vrai
aussi que son jeune âge et sa naïveté le portaient à ne voir malice à rien et
qu’il ne pouvait s’étonner outre mesure de ce qui s’était passé, sachant, étant
né dans le sérail, que les rois et les princes ont toujours un public et pour
naître, et pour faire l’amour et pour mourir. Son erreur consistait à ne pas
entendre que l’extraordinaire dans cette scène n’était point qu’elle eût un
témoin (il y en a toujours un, ne serait-ce qu’une femme de chambre), mais que
le témoin fût le roi.
    Quand Berlinghen en eut fini avec son conte et que je fus
revenu de mon étonnement, je lui recommandai, la face grave et sans hausser le
ton, de rester à jamais bouche cousue, comme je le serai moi-même, sur cet
événement, non que ce fut peccamineux d’en avoir été le témoin, mais ce pouvait
l’être, si tout autre qu’un gentilhomme de la Chambre l’apprenait. J’ajoutai
que s’il était derechef trop ouvert là-dessus, il en irait de son honneur et se
peut même de sa charge. Cette admonestation, ferme en son fond, douce en sa
forme, le dégrisa tout à plein, et la voix trémulante, il me fit de grands
serments de demeurer sur ce sujet plus muet que tombe. Et je crois bien, en
effet, qu’il mit un bœuf sur sa langue et n’en parla point à d’autres que moi.
Et si la chose, malgré tout, se sut (mais d’un très petit nombre), je suis bien
assuré que ce ne fut pas de son fait.
     
    *
    * *
     
    J’ai eu quelques scrupules à relater en ces Mémoires que
voilà cette scène assurément unique dans les annales de notre monarchie, craignant
que ma belle lectrice n’estime qu’elle brave par trop l’honnêteté et que Louis
ne fit pas preuve en la circonstance d’une délicatesse excessive.
    — Pour l’honnêteté. Monsieur, je ne suis pas si
bégueule, mais en revanche et sans vouloir blesser vos partialités…
    — Belle lectrice, parlez sans crainte. Vous ne
m’offenserez point. J’aime Louis, mais point

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