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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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aveuglément.
    — Eh bien, comment a-t-il fait, ce jeune roi, pour ne
pas redouter que sa présence en cette scène n’en paralysât les acteurs ?
Il était lui-même bien placé pour connaître les néfastes effets de la vergogne.
    — J’imagine, Madame, sans le pouvoir acertainer, qu’il
a demandé la permission au duc d’Elbeuf, lequel était, à vingt-deux ans déjà,
un vétéran des joutes amoureuses et avait trop de fiance en sa vigueur maintes
fois prouvée, pour ressentir de la gêne à se donner en spectacle. Quant à
Mademoiselle de Vendôme, vous avez pu juger par sa remarque finale que cette
petite personne-là, toute pucelle qu’elle fût, ne manquait pas d’effronterie.
Je gage même que son pundonor, au rebours, s’exalta à la pensée de
donner une leçon à son frère aîné.
    — Voilà qui va bien. Mais la scène sort, malgré tout,
de l’ordinaire. Vous dites vous-même qu’elle est unique dans les annales de la
monarchie. Qui en eut l’idée ? Le père Arnoux ? Luynes ? Le roi
lui-même ?
    — Je pense que ce fut le roi, et la comparaison de
Berlinghen avec la façon sérieuse et appliquée dont Louis regardait un charron
raboter un essieu afin de l’imiter à l’occasion, me paraît tout à fait pertinente.
Louis incline peu aux idées et beaucoup aux choses. Cuisinier, menuisier,
maçon, couvreur, carreleur, maréchal-ferrant, artificier, il veut être tout
cela. Il admire tout ce qui est métier. Et il vénère le savoir-faire.
    — Mais, Monsieur, dans un lit avec une épouse, le
savoir-faire ne suffit pas. Il y faut l’étincelle. C’est bien beau de savoir
fabriquer une fusée, mais encore faut-il y mettre le feu.
    — Belle lectrice, la sagesse parle par votre jolie
bouche. Toutefois, ce n’est point tout à fait que la flamme manquât. Ce serait
plutôt que Louis craignait qu’elle lui faillît, comme il en avait fait
l’humiliante expérience quatre ans plus tôt.
    C’est, de reste, ce que me confirma Luynes le lendemain,
quand je le rencontrai dans le grand escalier du Louvre. Après m’avoir
quasiment étouffé de ses embrassements, car bien qu’il fût plus avare que pas
un fils de bonne mère en France, il n’était pas chiche, comme on sait, en
compliments et en accolades, il me conta de prime à l’oreille ce qui s’était
passé la veille sur le lit du duc d’Elbeuf, récit que j’ouïs en feignant
l’ignorance.
    — Eh bien, dis-je, murmurant à mon tour, cela a-t-il
donné à Louis une plus grande fiance en lui ?
    — Point du tout. Le pauvre (Luynes prononçait « le
povre » à la provençale) est toujours dans les affres. Lui dont
l’impavidité est admirée du monde entier, la peur de l’échec au lit le tabuste,
le talonne et le rend trémulant. Vramy, on dirait que la femme se dresse devant
lui comme un impénétrable mur ! Il a promis pour ce soir la perfezione de son union, mais je doute fort qu’il l’accomplisse. Et pourtant, le temps
presse.
    — Le temps presse, Excellence ?
    — Oui-da ! Dans dix ou douze jours, aura lieu le
mariage de Chrétienne avec le prince de Savoie et comme a dit si bien le nonce,
ce serait une très grande honte qu’elle ait un fils avant que le roi ne baille
un dauphin à la France.
    — Excellence, soufflai-je, vous m’alarmez !
Perdez-vous tout espoir ?
    — Nenni ! nenni ! dit-il les dents serrées.
Je ne jetterai pas le manche après la cognée. Jamais ! Jamais ! S’il
le faut, j’userai de force ! Il y va de l’avenir du trône !
    Il y allait aussi du sien, m’apensai-je. Car un roi sans
héritier suscite l’assassinat et l’usurpation, comme hélas ! on l’avait
bien vu avec notre pauvre Henri III. Et que devient alors le favori ?
    Luynes répéta derechef : « J’userai de
force ! » et, me quittant, monta quasiment en courant l’escalier que
je descendais, me laissant perplexe, ne voyant pas comment « la
force » pourrait aider qui en manquait.
    Sur un point toutefois, Luynes ne se trompait pas. Le soir
venu, Louis, oubliant ses promesses, ses résolutions, et l’excellente leçon que
lui avait baillée la veille le duc d’Elbeuf, résista à toutes les objurgations
de Luynes et refusa d’aller retrouver la reine dans ses appartements.
L’aiguillette n’était pas encore dénouée.
    Le lendemain était le vingt-cinq janvier de l’année 1619 et
j’ai quelque raison de me ramentevoir cette date-là. Il faisait une froidure à
geler la rivière

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