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Les Seigneurs du Nord

Les Seigneurs du Nord

Titel: Les Seigneurs du Nord Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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les survivants des anciennes expéditions norses. C’était en fait le peuple
de Cumbraland qui avait été amené à Cair Ligualid par leurs prêtres et leurs
seigneurs, car on leur avait promis l’avènement d’un nouveau royaume. Et là, venu
de l’Est, sa cotte scintillant dans le couchant, arrivait un guerrier rayonnant
sur un grand cheval noir.
    — Le roi ! cria encore une voix, rejointe
par d’autres.
    Des maisons en ruine et des abris de fortune, des
gens sortaient pour me contempler. Willibald essayait de les chasser, mais ses
harangues en saxon étaient couvertes par le vacarme. Je pensais que Guthred
protesterait lui aussi, mais il ramena son capuchon sur sa tête pour ressembler
aux autres clercs. Des gens s’agenouillaient sur notre passage et se relevaient
prestement pour nous suivre. Hild riait ; je pris sa main et nous
continuâmes comme roi et reine, jusqu’à un bâtiment neuf qui s’élevait sur une
petite colline, une église d’où prêtres et moines sortirent pour nous accueillir.
    La folie régnait à Cair Ligualid. Différente
de celle qui avait provoqué le bain de sang à Eoferwic, mais folie tout de même.
Des femmes pleuraient, les hommes hurlaient et les enfants nous fixaient. Des
mères me tendaient leurs bébés comme si ma main avait pu les guérir.
    — Tu dois les arrêter ! vint me
demander Willibald en tirant sur mon étrier.
    — Pourquoi ?
    — Parce qu’ils se méprennent, voyons !
Guthred est le roi.
    — Peut-être, souris-je à l’idée qui me
venait, peut-être que je devrais être roi à sa place…
    — Uhtred ! s’indigna le prêtre.
    — Pourquoi pas ? Mes ancêtres l’étaient.
    — C’est Guthred le roi ! protesta
Willibald. L’abbé l’a nommé !
    Ainsi avait commencé la folie de Cair Ligualid.
La ville était un repaire de renards et d’oiseaux quand l’abbé Eadred de
Lindisfarena avait traversé les collines. Lindisfarena est le monastère de
Bebbanburg. Il se trouve sur la côte est de Northumbrie, alors que Cair
Ligualid est situé sur sa côte ouest ; mais l’abbé, chassé de Lindisfarena
par les expéditions danes, était venu à Cair Ligualid et y avait bâti la
nouvelle église vers laquelle nous montions. L’abbé avait aussi vu Guthred en
songe. Aujourd’hui, bien sûr, tous les Northumbriens connaissent la légende de
saint Cuthbert révélant Guthred à l’abbé Eadred ; mais à l’époque, le jour
de l’arrivée de Guthred à Cair Ligualid, elle semblait n’être rien qu’une
absurdité de plus dans la folie générale. On criait, on m’appelait roi. Willibald
se tourna vers Guthred :
    — Dis-leur de cesser !
    De jeunes moines armés de bâtons écartaient
les gens des portes de l’église. La foule attendait depuis des jours le miracle
promis par Eadred, le retour de leur roi, et j’étais arrivé de l’Est dans toute
ma gloire de guerrier, comme je l’ai toujours été. Toute ma vie, j’ai suivi le
chemin de l’épée. Si l’on me donnait le choix – et on le fit souvent –, je
préférerais tirer ma lame que régler une querelle par les mots, car c’est ainsi
qu’agit le guerrier, mais la plupart des hommes ne sont point des combattants. Ils
désirent la paix plus que tout. Ils veulent surtout voir leurs enfants grandir,
planter leurs graines et attendre la récolte, adorer leur dieu, aimer leur
famille et vivre en paix. Pourtant, mon destin a été de naître à une époque où
la violence régnait. Les Danes apparurent, et notre terre fut déchirée ; tout
au long de nos côtes, les longs navires à proue recourbée venaient piller et
tuer. Au Cumbraland, la plus sauvage des terres saxonnes, les Danes puis les
Norses et les Scotes étaient venus, et nul ne pouvait vivre en paix. Et quand
on brise les rêves des hommes, qu’on détruit leurs foyers et leurs récoltes, qu’on
prend leurs fils, on engendre la folie. À la fin du monde, lorsque les dieux se
battront, toute l’humanité sera saisie d’une grande démence, les rivières
charrieront le sang, le ciel sera rempli de cris, et le grand arbre de vie s’écroulera
dans un fracas de tonnerre… mais le temps n’est pas encore venu. À l’époque, en
878, quand j’étais jeune, il ne régnait qu’une folie légère à Cair Ligualid. C’était
celle de l’espoir qu’un roi, né du rêve d’un abbé, mettrait fin aux souffrances
d’un peuple.
    Lorsque mon cheval approcha, l’abbé Eadred, qui
attendait derrière les

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