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Les Seigneurs du Nord

Les Seigneurs du Nord

Titel: Les Seigneurs du Nord Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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moines, leva les bras au ciel. C’était un grand et vieux
bonhomme maigre à cheveux blancs, avec des yeux de faucon et, détail surprenant
pour un prêtre, une épée à la ceinture. Lorsque j’eus ôté mon casque et qu’il
vit mon visage, il continua de me prendre pour un roi et s’inclina.
    — Seigneur roi, entonna-t-il alors que
les moines tombaient à genoux et me contemplaient, sois le bienvenu !
    — Sois le bienvenu, seigneur roi ! répétèrent
les moines.
    Ce fut un grand moment. N’oublions pas qu’Eadred
avait choisi Guthred comme roi parce que saint Cuthbert lui avait montré en
rêve le fils d’Hardicnut. Pourtant, il croyait que c’était moi le roi. Cela
signifiait soit que Cuthbert lui avait montré le mauvais visage, soit qu’Eadred
était un fieffé menteur. Ce miracle était décidément fort suspect. Je racontai
un jour cette histoire à un prêtre qui refusa de me croire, se signa et courut
dire ses prières. Toute la vie de Guthred reposait sur le fait que saint
Cuthbert l’avait révélé à Eadred. La vérité, c’est que l’abbé ne le reconnut
pas. Willibald, évidemment, sautillait comme un homme qui a deux guêpes dans
ses braies, tentant de corriger l’erreur d’Eadred ; je dus lui donner un
coup sur le crâne pour le calmer, avant de désigner Guthred qui avait relevé
son capuchon.
    — Voilà ton roi, dis-je à Eadred.
    L’espace d’un instant, l’abbé ne me crut pas, puis
la fureur se peignit sur son visage. Si les autres n’avaient pas encore saisi, lui
venait de comprendre qu’il était censé reconnaître Guthred d’après son rêve. Mais
il se reprit et s’inclina devant le jeune homme, qui lui rendit son salut avec
sa bonne humeur habituelle. Deux moines se précipitèrent pour prendre son
cheval et Guthred entra dans l’église. Nous le suivîmes comme nous pûmes. Des
moines à qui j’ordonnai de garder Witnere et la jument de Hild refusèrent, car
ils voulaient eux aussi entrer ; mais je les menaçai de fracasser leurs
crânes tonsurés et ils obéirent.
    Il faisait sombre dans l’église. Des torches
brûlaient sur l’autel et dans la nef où un groupe de moines chantaient, mais
elles parvenaient à peine à dissiper la pénombre. L’église était grande, bien
plus que celle qu’Alfred édifiait à Wintanceaster, mais elle avait été bâtie à
la hâte : quand mes yeux se furent habitués à l’obscurité, je vis que les
parois étaient de troncs mal équarris, et le toit de chaume. Il y avait là une
soixantaine de clercs et moitié moins de thanes, si tant est que les hommes
riches de Cumbraland pouvaient prétendre à ce rang. Ils étaient là avec leur
entourage ; je fus surpris de voir que certains portaient la croix et d’autres
le marteau. Il y avait là Danes et Saxons mêlés et non point ennemis. Ils s’étaient
réunis pour soutenir Eadred qui leur promettait un roi désigné par Dieu.
    Et il y avait Gisela.
    Je la remarquai presque sur-le-champ. C’était
une grande fille aux cheveux noirs, avec un long visage grave. Elle portait une
cape grise et une coiffe qui me la fit prendre pour une nonne, mais je vis les
bracelets d’argent et la lourde broche à son cou. Ses grands yeux brillaient de
larmes, mais c’était de joie qu’elle pleurait. Quand Guthred la vit, il courut
à elle et ils s’étreignirent. Puis il l’attira vers moi.
    — Ma sœur, Gisela, dit-il en lui tenant
les mains. Je suis libre, lui expliqua-t-il, grâce au seigneur Uhtred.
    — Je te remercie, me dit-elle.
    Je ne répondis pas, gêné par la présence de
Hild à mes côtés, mais plus encore par cette fille. Quinze, seize ans ? Mais
non encore mariée, car ses cheveux noirs étaient dénoués. Que m’avait dit son
frère ? Qu’elle avait une face de cheval. Mais je lui trouvai un visage
fait pour embraser le ciel et hanter les rêves d’un homme. Je revois encore
après toutes ces années ces grands yeux tantôt lointains et tantôt malicieux
qui me perdirent quand elle les posa sur moi. Les fileuses qui tissent nos vies
l’avaient envoyée, et je sus que rien ne serait plus jamais pareil.
    — Tu n’es pas mariée ? demanda-t-il
avec inquiétude.
    Elle lui montra ses cheveux qui ne seraient
attachés qu’une fois devenue épouse.
    — Bien sûr que non. Et toi ?
    — Non.
    Son regard alla de Hild à moi, et au même
instant l’abbé Eadred accourut pour entraîner Guthred et confier Gisela à sa
tutrice. Elle me jeta un

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