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Les souliers bruns du quai Voltaire

Les souliers bruns du quai Voltaire

Titel: Les souliers bruns du quai Voltaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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l’accompagnait, elle était signée Georges Moizan, un bouquiniste que vous fréquentez, m’a-t-on affirmé. Il est vrai que le texte donne à croire que cet individu se serait suicidé – invraisemblable à mon avis –, mais dans quel but mentionne-t-il vouloir fuir une vie qui « n’a rien d’angélique » ?
    — Vous n’allez pas me coller ça sur le casaquin !
    — On vous a dérobé pas mal d’objets, madame Fouin. Des pots de confitures, des ballons, mais aussi un paroir, outil de sabotier fort dangereux, selon mes informateurs.
    Un sanglot se coinça dans la gorge d’Angélique. Pourquoi le sort s’acharnait-il sur elle ? Ce ne pouvait être qu’un voisin ou un familier des quais qui avait souligné le vol du paroir, il avait dû par la même occasion moucharder le différend qui l’avait opposée à Georges Moizan la semaine passée. Ne l’avait-elle pas comparé à un poulet sans tête ?
    Augustin Valmy aligna au carré bouteille d’encre et porte-plumes, puis compulsa des papiers.
    — J’ai là le témoignage d’un bouquiniste. Il soutient que vous avez tenu des propos comminatoires à l’égard de M. Moizan.
    — N’y a pas qu’moi ! M’sieu Larue en a fait autant, il lui a promis d’lui tailler les oreilles en biseau ! Et puis m’sieu Bottier et lui sont à couteaux tirés.
    — Pour quelles raisons ?
    — M’sieu Moizan lui cherche tout le temps noise. La dernière fois, c’était à cause d’un truc que m’sieu Moizan devait lui fournir.
    — Un truc ?
    — Ben, je ne sais pas, moi, un bouquin, peut-être. En tout cas, le Bottier, il était pressé de l’avoir. Tiens, ça me revient, ils ont aussi devisé du dentiste de M. Moizan.
    — Ne détournez pas la conversation, madame Fouin.
    — J’détourne pas, j’vous dis ce que je sais. Point final, pis c’est tout et c’est pas autrement.
    — Économisez votre salive, madame Fouin. Vous avez également déclaré, je cite : « Mon mari, il les décapitait à coups de paroir. » Précisez-moi le sens de cette phrase, était-ce une métaphore ?
    — Frouin, avec un r  ! Ben, c’était rapport aux rats. M’sieu Moizan voulait les trucider, et moi je lui ai conseillé… Enfin, j’protège les bêtes, quoi !… Vous n’imaginez pas que… Je suis une femme modeste, moi, j’trime ferme pour élever mes trois gosses, jamais j’aurais commis une telle horreur ! En plus, je l’aime bien, le Tyrolien.
    — Le Tyrolien ?
    — M’sieu Moizan, il porte un chapeau à plumes, c’est pour ça…
    — De toute façon, rien ne prouve que la tête ramassée dans l’herbe soit la sienne, ni que le poulet ait été écrit de sa main.
    — Quel poulet ? Il n’a pas de plumes de poulet à son chapeau, du moins j’crois pas, ce s’rait plutôt des plumes de faisan.
    — Poulet, missive, lettre, énonça avec irritation le commissaire avant de tremper ses doigts dans un bol d’eau tiède.
    — J’n’ai pas la comprenette aussi dure que ça ! C’est vous qui me troublez, avec vos fables ! Le paroir de mon défunt époux, qu’était sabotier à Camembert, m’a vraiment été fauché, même que j’ai déposé une plainte au commissariat de mon quartier, vous pouvez vérifier. Votre jargon m’affole, que vont devenir mes enfants si vous me bouclez ? J’ai rien tranché du tout, ni la tête du Tyrolien ni celle des rats. Je deviens chèvre, ma parole, mon capitaine !
    — Je ne suis pas capitaine, je suis commissaire de police, nom d’un chien ! explosa Augustin Valmy.
    Le bol se renversa, des gouttes mouillèrent son pantalon et il blasphéma copieusement.
    — Bien, puisque c’est cela, nous allons perquisitionner ce soir à votre domicile, nous remettrons à demain l’identification de cette tête à la morgue.
    Il se sentit apaisé de cette décision, il détestait rendre visite à des cadavres, surtout quand ils étaient en morceaux.
    Angélique sursauta et se mit à pleurer. Les larmes l’étouffaient tant qu’elle faillit s’étrangler.
    — Je suis insensible à ces démonstrations d’humidité féminine, objecta le commissaire.
    — Je jure que je suis innocente ! Faut pas croire ceux qui déblatèrent !
    — Quand avez-vous vu Mme Lacarelle pour la dernière fois ?
    — Pourquoi vous me demandez ça ?
    — Répondez, au lieu de me retourner ma question.
    — J’en sais rien, y a quelques jours sur le quai Voltaire.
    — C’est le salon où l’on

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