Les templiers
et livrèrent les deux dignitaires au prévôt de Paris. Le roi, de sa propre autorité, fit en toute hâte condamner les accusés au bûcher par le Conseil de la Couronne. Le soir même, le tas de bois se dressa, dans l’île aux Juifs, entre l’église des Augustins et le jardin du Palais.
L’Ordre qui avait été détesté par le peuple durant sa prospérité connut un revirement de sympathie en sa faveur.
Vers 6 heures du soir, le bûcher crépitait. Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay « y parurent soutenir les flammes avec tant de fermeté et de résolution que la constance de leur mort et de leurs dénégations finales frappèrent la multitude d’admiration et de stupeur », raconte Guillaume de Nangis.
Dans une sorte de frénésie, la foule se rua vers le bûcher, à peine le supplice terminé, et recueillit les cendres encore chaudes pour en retirer les morceaux calcinés des deux martyrs qui, au dernier moment de leur vie, surent se montrer dignes de leur fidélité chevaleresque.
La destruction du Temple est et restera le déni de justice le plus honteux. C’est par la torture que le Temple fut mené à une ruine que l’Inquisition regarde comme légitime. La seule chose légitime serait de mettre en application les termes mêmes de la bulle de Clément V : réunir un concile pour juger le Temple. L’Église se doit de prendre position, ne serait-ce que pour rendre justice à la mémoire des martyrs et à leurs souffrances. Cela ne se fera pas, car elle se condamnerait, elle-même, au grand jour.
Un noble provençal, Bertrandet de Pellissier, écrivait, quelques années après la mort de Philippe le Bel, la plus belle oraison funèbre qui soit, à l’intérieur même de son testament :
— « J’ai souvent réfléchi aux vicissitudes des choses humaines, en pensant au sort pitoyable de cet ordre magnifique que j’ai vu si haut, en un clin d’œil est tombé si bas. Comment ne pas pleurer, surtout quand les malheurs privés se joignent aux désastres publics ? Je ne sais pas comment j’ai pu survivre à la mort déplorable de mes frères Pons et Guiraud, de mes proches et de mes amis sacrifiés !... Cet Ordre si illustre, qui avait formé tant de braves chevaliers, cet Ordre à qui mes ancêtres étaient si redevables, que tant de mes cousins et de mes oncles, les Pellissier, les Pellipaire, ont servi sous ses auspices duquel ils ont suivi la voie de gloire et de la vertu militaire, il fut, hélas ! et s’est évanoui ! Présent me sera toujours ce jour fatal, signe terrible de l’indignation céleste ! Je voudrais que mes fils l’eussent toujours devant les yeux, pour apprendre l’horreur de la richesse, de la mollesse, de l’ivrognerie, des séductions féminines et de tous les vices que la paresse engendre... »
Certes, dans toute société, il y a des « brebis galeuses ». Certains Templiers se rendirent coupables d’orgueil, de débauche, et peut-être d’irrévérence. Mais les Templiers n’étaient pas coupables des atrocités relevées par l’Inquisition.
Condamnés sans procès en France, les Templiers ne subirent pas partout le même sort. Beaucoup de souverains s’emparèrent des biens, mais ne touchèrent pas à leurs personnes.
En Angleterre, le roi Édouard leur redonna leurs commanderies. Dans d’autres régions, ils furent claustrés dans des monastères. En Lombardie, cependant, ils furent condamnés. Cela s’explique : une société de banquiers ne pouvait aller de pair avec des marchands et vivre en bonne entente avec les mêmes personnes qui, en 1291, avaient été arrêtées par Philippe le Bel, puis relâchées, après s’être fait extorquer de fortes sommes.
En Allemagne, l’interrogatoire se passa un peu différemment. Hugues de Salin, commandeur de Grumbach et visiteur d’Allemagne, en compagnie de vingt chevaliers, tous avec l’épée, la lance, l’écu et le visage couvert du heaume, forcèrent les portes du Synode de Mayence. Les évêques de Mayence et de Trêves, qui présidaient, écoutèrent les protestations d’innocence ; puis, avec dédain, les Templiers tournèrent le dos aux juges. Ils s’en allèrent libres et acquittés.
En Aragon, où ils étaient protégés par le roi, ils s’enfermèrent dans leurs maisons-forteresses. À Monzon, ils opposèrent une résistance aux armées royales. Réduits à merci, ils ne furent pas maltraités.
En France, beaucoup périrent dans la pourriture
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