Les templiers
peine de tout regarder. Au fur et à mesure, les faux apparaissent suivant des critères bien établis.
Le premier établissement des futurs néo-templiers fut la Loge de la Croix qui reçut ses constitutions le 23 décembre 1805, du Grand Orient de France. Les recrues furent puisées dans la loge Sainte-Catherine et représentées par l’aristocratie : de Choiseul, de Chabrillan, de Vergennes, de Dillon, de Narbonne, de Béthune, de Montmorency, etc. À l’intérieur du système dont les grades étaient calqués sur ceux de la Rose-Croix, se trouvait une classe se réclamant de l’Ordre du Temple.
Cet Ordre Intérieur eut pour imprésarios trois maçons : Ledru, docteur en médecine, de Courchamp, clerc de notaire, et un inconnu prénommé Saintot. Ce trio prétendait avoir reçu les pouvoirs de la maîtrise suprême du Temple, le 10 juin 1804, par Radix de Chavillon qui les avait hérités lui-même, en 1792, du dernier Maître secret de l’Ordre du Temple, Louis, Hercule, Timoléon de Cossé, duc de Brissac. Les troubles révolutionnaires ne permirent pas à Chevillon de rencontrer les subordonnés, il nomma Ledru lieutenant-général d’Afrique, de Saintot lieutenant-général d’Asie, de Courchamp Grand Précepteur. Il leur remit alors les documents prouvant « l’authenticité » de l’Ordre du Temple :
— le registre des procès-verbaux des réunions secrètes,
— l’archétype des statuts révisés en 1707,
— la pièce primordiale : charta transmissionis, émanant du successeur immédiat de Jacques de Molay, portant le nom et les signatures des grands Maîtres qui se sont succédé depuis 1324 jusqu’à 1792.
Déjà à cette époque, Morisson de Greenfield, médecin militaire anglais, avait communiqué un mémoire dans lequel il mettait en évidence la supercherie de Ledru, à un autre membre de l’association nommé Clavel. Or, Ledru avait été médecin ordinaire du duc de Brissac et aurait acheté, au moment de la mise en vente des biens du duc, tous les documents qu’il produisit, en 1804, comme provenant de Radix de Chevillon.
Ces documents font état du véritable rénovateur de l’Ordre du Temple, qui aurait été Philippe d’Orléans V Se souvenant de la résurrection des Templiers à Versailles en 1692, il avait formé, en 1705, une association secrète « qui avait renoncé à son but primitif – mœurs très poussés à la Socrate – pour s’occuper de matières politiques ». Le Régent se nomma Grand Maître, et les statuts primitifs furent mis au goût du jour.
Cela paraît déjà plus que douteux. Or, il y a ce passage : « l’association entreprit dans l’origine de se faire reconnaître en la qualité qu’elle prenait par l’Ordre du Christ au Portugal. » La mèche est vendue par les fondateurs eux-mêmes qui ne croyaient en rien à une prétendue succession de Jacques de Molay.
Le jésuite Bonnani confectionna la Charte de Transmission et y apposa les fausses signatures des divers Grands Maîtres. Bien que l’on ait dit que cette Charte était originale, nous savons maintenant, par des examens scientifiques, que la Charte de Transmission, avec les signatures, est un faux du début du XVIIIe siècle : encre, calligraphie, paléographie, épaisseur du parchemin en témoignent.
Un registre des délibérations, sur lequel furent inscrits rétrospectivement les procès-verbaux fictifs des séances antérieures, fut ouvert par le Conseil. L’héritage se serait donc transmis, ensuite, et c’est pour cela que le secrétaire du dernier Grand Maître était en possession des documents.
Ledru est donc l’instigateur de l’affaire. Il mit en circulation toute une série de documents datés du XVI e siècle, mais sans prendre garde aux filigranes des papiers. On s’aperçoit facilement aujourd’hui que ces textes ne peuvent avoir été écrits en 1650 ou 1679 sur des feuilles dont les marques sont de la Révolution ou du Consulat.
Chevillon, l’homme de paille, fut déclaré Grand Maître. Refusant ce titre, il consentit à écrire son nom sur la charte avec le titre de Régent de l’Ordre. Ledru s’adjoignit Fabre-Palaprat, ancien séminariste, doué d’un complexe mitral excessif qui le fera patriarche, Leblond employé à la Bibliothèque Impériale, Arnal, ancien curé constitutionnel et Beuchot de Varenne.
Les huit acolytes réunirent, le 4 novembre 1804 un « Convent Général » qui élit Palaprat Grand
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